à gré fut aboli : on y substitua l’exonération au moyen d’une somme versée au trésor et employée de manière à provoquer les réengagemens des soldats libérés. Ainsi se résumaient nos institutions militaires, lorsqu’une grande commotion européenne nous a fait sentir de nouveau le besoin d’une réforme. Jusqu’ici le pouvoir a sondé l’opinion sans formuler nettement un système : mettons-nous en attendant en présence des faits, analysons les élémens de la force, constatons les changemens de la stratégie, les nécessités d’une phase politique nouvelle, et en tenant compte de tout cela, essayons de dire ce que serait une armée répondant au vœu instinctif du pays.
La population est l’étoffe avec laquelle les armées sont faites. Je l’avouerai, ce n’est pas sans une certaine prévention que j’ai soulevé ce coin du voile. Il y a une vingtaine d’années, le socialisme maintenait à l’ordre du jour le redoutable problème du paupérisme. On observait avec inquiétude les accroissement de la population qui semblaient alors trop rapides : on eût dit, suivant la malencontreuse expression de Malthus, « qu’il n’y avait plus de place pour les nouveau-venus au banquet de la vie. » Une préoccupation contraire domine aujourd’hui. On est disposé à croire que la vitalité de la France diminue, que les bras vont manquer pour la charrue et le fusil à aiguille. Où est l’exagération ? Pour toucher le vrai dans les recherches de ce genre, pour établir une exacte concordance entre les documens qu’il s’agit de comparer, il faudrait des forêts de chiffres et des commentaires minutieux.
Parmi les pièces à consulter, les plus significatives sont précisément les tableaux de recrutement, où le nombre et la qualité de la classe virile viennent nécessairement se refléter. En 1836, un député éclairé et laborieux, M. D’Angeville, puisait à ces sources, qui n’étaient pas alors accessibles au public, les éléments d’une étude sur la population française[1]. Ses recherches, faites très soigneusement, remontent jusqu’à l’année 1824. Eh 1835, le ministre de la guerre commença la publication, annuelle d’un compte-rendu des opérations du recrutement, série de tableaux où sont consignés les renseignemens les plus curieux sur la force numérique, l’état physique, la culture intellectuelle, l’emploi dans la société et la distribution du contingent militaire. L’impression que
- ↑ Essai sur la Statistique de la population française, 1 vol. in-4o. Les calculs de M. D’Angeville ont porté sur un mélange, d’années bonnes et mauvaises de manière à dégager une moyenne ordinaire.