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puissance, toutes choses que la simple statistique est inhabile à exprimer. Elle peut bien dire quel est maintenant en France le nombre des églises, celui des prêtres, des communautés, des couvens, combien d’enfans reçoivent le baptême, combien de mariages sont religieusement bénis, à combien de mourans les secours spirituels sont offerts et administrés ; mais quand ces faits sont établis, quelle en est au fond la valeur ? La loi civile a beau n’imposer à personne le choix d’un culte, ce choix, bien qu’il soit toujours libre, est-il toujours sérieux et réfléchi ? Tous ceux qui, soit à leur naissance, par l’organe de leurs parens, soit même dans le cours de leur vie et par leur propre volonté, ont à certains jours solennels fait officiellement acte de christianisme, en sont-ils pour cela de bons et de vrais chrétiens ? Combien en comptez-vous qui aient su ce qu’ils faisaient, qui n’aient pas simplement obéi à l’usage, et pour qui ce saint engagement ne soit pas aussitôt devenu lettre morte ? Pour se former une juste idée des vraies forces du christianisme, ce ne sont pas des registres qu’il faudrait consulter, c’est dans le sein des familles, au fond des consciences, qu’il y aurait à descendre. C’est là qu’il faudrait sonder le véritable état des croyances chrétiennes. L’enquête ainsi comprise cesse d’être possible, nous le reconnaissons : il faut se contenter de données moins exactes et juger seulement sur les faits apparens. Comparez donc ce qu’était le christianisme au commencement du siècle et ce qu’il est aujourd’hui : jugez les deux époques d’après les mêmes bases ; des deux côtés, faites la part des fausses apparences, défalquez les croyans apocryphes qui n’ont de chrétien que le nom ; si nombreux qu’ils puissent être aujourd’hui, vous n’en serez pas moins forcé de reconnaître que chez nous depuis soixante ans le christianisme a tout au moins repris racine, qu’il a recouvré la vie, et que ses progrès ne sont pas contestables.

Cette résurrection ou plutôt ce réveil, M. Guizot nous en décrit les phases avec une ampleur de vues et un bonheur d’expressions qui font de ce morceau largement développé la plus attachante lecture. Nous n’avons pas dessein d’en tenter l’analyse. Pour ces méditations nouvelles comme pour les précédentes, on voudrait vainement suivre l’auteur pas à pas. Son œuvre seule peut dire ce qu’elle contient ; il faut ou la lire elle-même ou renoncer à la connaître. Indiquons seulement le plan qu’il s’est tracé, l’ordre qu’a suivi sa pensée.

Et d’abord, par une division naturelle, le volume se compose de deux parts à peu près égales : l’une qui concerne le christianisme, l’autre qui parle de ses adversaires. Que voyons-nous dans la première ? Le récit du réveil chrétien, ou plutôt l’exposé des croyances