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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/687

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devant ces populations sans pasteurs, ces tombes sans prières, ces berceaux sans baptême ! Quel chrétien assez fier et assez prévoyant eût alors repoussé, comme un présent funeste, au nom de ses croyances et dans l’intérêt de sa foi, un régime qui restaurait le christianisme, et d’un coup de baguette réparait tous ses maux ? Personne alors ne se fût permis ce paradoxe, et n’en eût eu seulement la pensée. Ne blâmons donc qu’avec indulgence et mesure ceux qui inventèrent ce compromis ; mais les faits qui en découlent n’en subsistent pas moins, et, quand nous constatons l’état présent des croyances chrétiennes, nous ne pouvons pas faire qu’à chaque pas nous ne trouvions en elles les traces encore vivantes de ce défaut d’origine, de cette résurrection par voie d’autorité. De même que le gouvernement de la restauration, malgré ses plus sincères efforts et sa constante bonne volonté, n’a jamais pu se faire absoudre par la France de la compromettante amitié de l’empereur Alexandre et de lord Wellington, de même le christianisme chez nous depuis soixante ans doit en partie ses faiblesses et les préventions qu’il excite à l’honneur d’avoir eu pour parrain l’empereur Napoléon Ier. Recueilli, réchauffé sous l’abri de sa pourpre et devenu son pensionnaire, il a pris malgré lui certains besoins de protection, certaines habitudes de soumission et presque de complaisance qui, le rendant sous nos divers régimes solidaire du pouvoir, lui ont fait partager la responsabilité des fautes et les périls de l’impopularité.

N’a-t-on pas vu pendant ces soixante ans, par un exemple passager, ce qu’aurait gagné la religion à rester vis-à-vis du pouvoir dans des termes moins compromettans et à savoir franchement se passer de ses faveurs ? Un gouvernement s’est trouvé plein de respect au fond pour les intérêts religieux du pays et toujours prêt, à rendre aux ministres du culte la plus bienveillante justice, mais exposé dès sa naissance aux froideurs et aux hostilités d’un certain nombre de catholiques et d’une grande partie du clergé ; ne sait-on pas combien cette attitude est devenue favorable au catholicisme lui-même ? Il a passé pendant ces dix-huit ans pour être sans crédit, et par là même il n’a cessé d’en acquérir chaque jour davantage, non pas dans les bureaux et dans les antichambres, mais dans les consciences. On peut dire hardiment que les plus grands et les plus sérieux progrès dont la religion chrétienne ait à se glorifier depuis le commencement du siècle, c’est dans cette période qu’ils se sont accomplis. Nous n’en concluons pas que l’hostilité systématique au pouvoir soit une condition nécessaire à la propagation des idées religieuses : toute guerre intestine est un mal, et nous n’en provoquons aucune ; mais il faut au ministère