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médiations volontaires, consulté, écouté et souvent dépassé, d’un esprit indépendant et toujours sincère qui ne craint pas d’exprimer ses opinions. Il est certain qu’avec sa nature d’Azeglio a pu se trouver par instans un peu dépaysé dans cette confusion violente d’où est sortie l’Italie nouvelle, et pour tout dire il a ressenti plus mécompte, plus d’une blessure. Jusqu’à la paix de Villafranca, il crut à la possibilité d’une fédération ; il croyait peu à l’unité, qu’il appelait « le premier de ses désirs et la dernière de ses espérances. » Pour lui comme pour tant d’autres Italiens, c’est de Villafranca qu’est née l’unité. « Je vois poindre à l’horizon, écrivait-il immédiatement, des complications qui seront la suite de la paix subitement conclue. Ce qui a été dit et fait jusqu’à ce jour pour. l’organisation de l’Italie, les événemens et la force des choses vont rayer tout cela. », Et ici commençaient pour lui les perplexités et les doutes à mesure que l’œuvre se déroulait au milieu de toutes les péripéties.

L’âme libérale et droite de d’Azeglio s’effrayait des procédés sommaires, des arrestations des évêques, des alliances révolutionnaires qu’imposait l’unité, de ce qu’il appelait « les yeux doux faits au mazzinisme, » et tout compte fait, dans cette phase nouvelle des affaires d’Italie, ses doutes, ses dissentimens, ont porté sur deux points essentiels, Naples et Rome. Il faut bien s’entendre cependant. Oui, évidemment l’annexion des provinces napolitaines déconcertait d’Azeglio. Naples lui semblait « une meule que l’Italie s’était attachée au cou. » La guerre même qu’on était obligé de faire au brigandage lui apparaissait comme le signe d’erreurs manifestes commises au-delà du Tronto ; mais lorsqu’il parlait ainsi, ce n’était pas qu’il mît en doute le droit de l’Italie : il croyait tout au plus à de la précipitation, à des impatiences violentes tournant contre le but même qu’on se proposait. En définitive, c’était l’homme qui écrivait dès 1849 : « Quoique je sois modéré, codino, etc., je suis au fond et serai toujours du parti qui sauvera l’Italie. Si les exaltés y parviennent, va pour les exaltés ! » C’était l’homme qui disait au bruit des annexions de 1860 : « Il n’est plus question aujourd’hui du Piémont, de la Toscane, des états romains, de Naples ; , il s’agit de l’Italie, et je dis comme conclusion : Quand on a foulé aux pieds une nation pendant des siècles, quand rois, gouvernemens, peuples voisins, soit par ruse, soit à main armée, se sont réunis contre elle pour l’exploiter à leur profit, pour, la diviser, la partager, la vendre, la torturer, l’anéantir, peut-on s’attendre qu’au jour de son réveil elle respectera les lois, les pactes, les traités qu’on a faits sans la consulter et pour la rayer du nombre des nations ? » C’était l’homme enfin qui à la moindre menace du dehors écrivait :