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« Si un congrès européen entreprenait de défaire l’Italie, qui se chargerait de l’exécution de l’arrêt ? car il y aurait de Turin à Messine un grand parti, celui qu’on appellerait alors le parti de la dignité nationale, qui s’élèverait pour la défense de l’unité, armata manu, et, vous le pensez bien, j’en serais !… » C’est dans ces limites que d’Azeglio prenait ses libertés d’opinion dans les affaires de Naples.

Il en était un peu de même dans la question de Rome. Oui, évidemment, sur ce point encore, d’Azeglio avait été le premier très opposé à la proclamation de Rome comme capitale de l’Italie. Était-ce sentiment traditionnel, vieille affection pour Pie IX, qu’il avait aimé autrefois, prévoyance politique ? Tout cela se réunissait peut-être. Rome lui apparaissait comme une ville à part, d’un caractère exceptionnel, universelle par nature et par destination, qui ne pouvait être absorbée comme une ville ordinaire de Toscane ou du Napolitain. L’intérêt catholique lui semblait tenir une assez grande place dans le monde pour qu’on lui laissât la dignité et l’inviolabilité d’un asile mis au-dessus des tempêtes de la politique. Ici pourtant comme dans les affaires de Naples il ne faut pas se méprendre sur la nature de ses opinions : ce n’était point qu’il eût le plus léger doute sur la légitimité des annexions des provinces pontificales, qu’il admît la possibilité d’une reconstitution artificielle d’un état de l’église plus ou moins étendu, plus ou moins restreint, — qu’il considérât comme un fait normal et durable le pouvoir temporel. Nul ne condamnait plus que lui le gouvernement des prêtres, nul n’avait mis en relief d’une façon plus saisissante ce que le mélange du spirituel et du temporel avait de funeste pour la religion comme pour la politique. Ce gouvernement, il ne le croyait possible ni dans les provinces qui s’étaient détachées, ni à Rome même, où la papauté devait rester affranchie désormais de toutes les responsabilités politiques, qui devait devenir une grande ville libre, neutre pour la dignité du pontificat, rattachée par tous les liens de la nationalité à l’Italie. C’est sous l’empire de ces sentimens complexes que l’un des premiers, au moment même où on acclamait Rome à Turin, il désignait Florence comme la vraie capitale de l’Italie. Proclamer Rome capitale, c’était à ses yeux déplacer doublement la question : d’abord c’était détourner les esprits du point essentiel et douloureux, — de Venise, sans laquelle la nationalité italienne restait inachevée et toujours menacée ; c’était de plus susciter contre l’Italie toutes les susceptibilités, tous les ombrages du sentiment catholique. Florence conciliait tout, sans exclure d’ailleurs une solution libérale de la question romaine. Sous ce rapport, la convention du 15 septembre 1864 donnait évidemment raison à d’Azeglio, et le calme de l’opinion en Italie a