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les iniquités humaines… Je suis allé trouver la papauté et l’Italie dans la fièvre de leur sainte colère, — voilà l’Histoire de Boniface VIII et celle de la Ligue lombarde. Je suis allé trouver la raison humaine dans la plus douloureuse de ses épreuves, — voilà Abailard. J’ai élevé haut la papauté pour qu’elle fulminât mieux contre tous les genres de despotes, — de là les histoires du Concile de Constance, du Schisme grec et de la Comtesse Mathilde. Et finalement, quand j’ai vu l’Italie sur pied, étranger à l’action parce que je suis moine, non plus guelfe ni gibelin, mais Italien catholique, je me suis réfugié dans le désert de la contemplation, et j’ai fait les Prolégomènes de l’Histoire de l’Église… »

Italien et catholique, dit le père Tosti : c’est là en effet tout l’esprit de cette génération nouvelle de bénédictins, qui ne séparent pas de la fidélité à leur ordre, de la foi religieuse, la croyance au progrès humain et le sentiment de la patrie. C’est ce qui explique aussi leur attitude sympathique devant la révolution italienne quand elle est arrivée au pied de leur montagne. Cette prodigieuse transformation devait répondre surtout à l’instinct de celui qui, aux premiers bruits de 1848, écrivait dans son livre sur la Ligue lombarde : « Je traçais pour des Italiens le récit des gloires italiennes, quand l’Italie tout entière s’est levée pour s’élancer où l’appellent les cieux apaisés. Libre des entraves que lui ont imposées depuis un demi-siècle ceux qui vivaient dans le passé, elle s’est ébranlée, et le fracas de sa marche s’est fait entendre jusque dans les profondeurs de ma retraite. Je quittai aussitôt la plume pour offrir à ma patrie, sortant du donjon des vieilles barrières féodales, ce simple volume, non comme une œuvre d’érudition, mais comme un témoignage des droits qui lui assignent une place dans le concile des peuples et de l’amour immense que je lui porte… » Après cela, cette révolution a bien un peu troublé sans doute les solitaires ; elle a dérangé leur vieil idéal d’une alliance de l’Italie et de la papauté, d’une résurrection nationale avec l’aide du pontificat ; elle les a troublés encore plus par cette menace de suppression des ordres monastiques qu’elle portait avec elle. Il faut tout dire cependant : ils ont été peut-être plus attristés qu’étonnés ou irrités de cette menace ; ils n’ont pas ouvert leur âme à un sentiment mesquin d’hostilité. Lorsque le père Tosti, mieux placé que tout autre pour défendre la cause de son ordre, écrivait la brochure de Saint Benoit au Parlement national, il disait encore avec une religieuse émotion : «… S’il vous arrivait de nous rejeter, de nous bannir, vous seriez impuissans à rompre l’alliance de saint Benoît et de l’Italie. Personnifié dans ses fils, saint Benoît est assis à vos côtés et vous demande le pain de sa fatigue. les rigueurs de vos lois pourront le