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mément à l’ordre des deux rois de France et d’Angleterre. Le pape lui-même faisait demander au général victorieux de hâter sa marche afin de le tirer de la captivité pleine d’humiliation et d’angoisses où le retenait l’armée de l’empereur, toujours oppressive pour ses sujets et devenue de plus menaçante pour lui-même. Lautrec, soit qu’il crût avoir suffisamment affaibli les impériaux dans la Haute-Italie, soit qu’il craignît que les Vénitiens n’apportassent plus de mollesse dans l’entreprise de Naples lorsqu’ils seraient pleinement rassurés sur leurs possessions de terre ferme dans la vallée du Pô en ayant Francesco Sforza pour unique voisin, soit plutôt qu’il tînt à remplir la mission qu’il avait reçue, ne poussa pas plus loin ses conquêtes en Lombardie. Il se mit en mouvement vers le sud, passa le Pô à Plaisance avec son armée, et, traversant les états pontificaux, il sembla marcher au secours du souverain pontife, qu’avaient longtemps retenu prisonnier les exigences croissantes des soldats et la politique intéressée de l’empereur.


III.

Charles-Quint était à Valladolid, où il tenait les cortès de Castille pour se procurer de l’argent, lorsqu’il avait reçu la grave nouvelle de la prise de Rome. Il n’en avait pas été étonné. En apprenant que le duc de Bourbon n’avait point adhéré, comme il lui avait recommandé de le faire, à la trêve de huit mois conclue entre le vice-roi de Naples et Clément VII, et que, entraîné autant par ses soldats que par sa passion, il avait franchi l’Apennin avec l’armée impériale, Charles-Quint s’était attendu à ce qui était arrivé. Le 6 juin, ne doutant pas que le duc de Bourbon n’eut pénétré dans Rome, et ignorant encore[1] que son aventureux lieutenant avait été tué sous les murailles de cette ville, il lui écrivait : « Mon bon cousin, je ne sçay au vray ce que vous aurez faict avec le pape depuis votre entrée à Rome.... Mais ce que je désire le plus, ce seroit une bonne paix, et espère que vous garderez bien d’être trompé et tiendrez main, si faire se peult, avec bonne asseurance, que le pape prenne la peyne de venir jusques icy pour entendre au faict de la paix universelle... Car de cela pourroit ensuivre beaucoup de bonnes choses pour le service de Dieu, le bien de toute la chrestienté et bonne adresse de mes affaires qui sont les vostres[2]. » Il invitait

  1. Il ne le savait même pas encore avec certitude le 16 juin. À cette date, le docteur Lee écrit de Valladolid en Angleterre : « Some say the duke of Bourbon is dead. John Almayne saith the emperor knoweth nothing that is dead. » Ms. Vespasien, c. 4 p. 154, et dans Turnor, Henri VIII, t. II, p. 119, net. 44.
  2. Lettre de l’empereur au duc de Bourbon, du 6 juin 1527. — Archives impériales et royales de Vienne.