Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le champ et le combat. Le conseil de Castille ajoutait que l’empereur n’était plus obligé à aucun acte et à aucune protestation, mais qu’il devait seulement faire savoir ce qui s’était passé aux grands de ses royaumes, aux capitaines de ses armées, et aux autres per- sonnes qu’il conviendrait d’en instruire[1].

Charles-Quint le fit dans un récit qu’il adressa à tous ses sujets, et où furent insérés les avis unanimes des prélats, des grands d’Espagne, des conseils d’état et de guerre qu’il avait consultés, tout comme le conseil de Castille. C’était à la fois une apologie et un manifeste. Il y disait que le roi de France et le roi d’Angleterre lui déclaraient la guerre à feu et à sang, qu’il ne serait point cause des maux qui en résulteraient et qu’il espérait que Dieu, qui connaissait ses intentions, lui donnerait la victoire. Il associait ses peuples à ses sentimens et à ses actes en leur demandant d’invoquer dans les églises et par des prières l’assistance de celui qui donnait les succès aux causes justes. François Ier se tut[2]. Son silence, en cette rencontre, vint de la fausseté de sa position. Tout vaillant qu’il était, il ne sortit pas de ce débat particulier plus heureusement qu’il n’était sorti de la guerre générale.

Ces deux grands princes avaient été sur le point de se mesurer jans un combat singulier. D’une inimitié entre royaumes, ils avaient passé à une querelle entre personnes, et l’injure s’ajoutant à la rivalité, c’était non pas seulement en souverains et avec des armées qu’ils avaient eu le dessein de se combattre, mais en gentilshommes et dans un champ clos. Ils avaient voulu avec une égale sincérité vider les armes à la main cette querelle non plus d’état, mais d’honneur. Ce qui empêcha le combat d’avoir lieu malgré l’offense reçue, le démenti donné, le champ clos offert, ce fut que Charles-Quint et François Ier n’entendaient pas y procéder, Charles-Quint avant d’avoir accablé François Ier de ses accusations, et François Ier après avoir écouté devant sa cour les manquemens qui lui étaient reprochés par Charles-Quint. Le double cartel en demeura là, et les deux grands adversaires, plus animés que jamais l’un contre l’autre, poursuivirent avec acharnement la guerre qu’ils se faisaient depuis sept années.


MIGNET.

  1. Dans Sandoval, t. Ier, lib. xvi, f° 890.
  2. Ibid., f° 891 et 892.