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rature moyenne de Genève[1] soit de 5 degrés au lieu de 9°, 16, comme maintenant. La limite des neiges éternelles sera également abaissée et ne dépassera pas 1,950 mètres au-dessus de la mer. Les glaciers de Chamonix descendront au-dessous de cette nouvelle limite d’une quantité au moins égale à celle qui existe entre la limite actuelle (2,700 mètres) et leur extrémité inférieure. Or aujourd’hui le pied de ces glaciers est à 1,150 mètres d’altitude : avec un climat de 4 degrés plus froid, il sera à 750 mètres plus bas, c’est-à-dire à 400 mètres, et par conséquent au niveau de la plaine suisse. Ajoutons que ces immenses glaciers, ayant pour bassins d’alimentation tous les cirques, toutes les vallées, toutes les gorges situées au-dessus de 750 mètres, descendront plus bas, toutes choses égales d’ailleurs, que les glaciers actuels, dont les bassins d’alimentation sont tous à des hauteurs supérieures à 1,150 mètres.

En résumé, on comprend qu’un froid sibérien n’est pas nécessaire pour amener l’ancienne extension des glaciers, car cette moyenne de 5 degrés que nous demandons pour que les glaciers de l’Arve et du Rhône atteignent de nouveau Genève est celle de grandes villes telles qu’Upsal, Christiania, Stockholm, en Europe, et East-Port aux États-Unis. Nous avons donc à chercher l’explication d’un abaissement de température continu et prolongé, mais portant principalement sur les chaleurs du printemps, de l’été et de l’automne.

Les théories proposées pour expliquer l’ancienne extension des glaciers se rangent sous deux chefs principaux : les théories locales s’appliquant à certains pays en particulier, les théories générales embrassant le globe tout entier. Examinons d’abord quelques-unes des premières. Pour les glaciers de chaînes de montagnes telles que les Alpes et les Pyrénées, on a supposé qu’elles étaient jadis beaucoup plus hautes qu’aujourd’hui; cela est incontestable : quand on considère la quantité prodigieuse de débris que les eaux, la glace et les éboulemens ont arrachés aux montagnes pour les répandre au loin dans les plaines, on a la conscience que ces massifs déchirés sont des ruines dont le couronnement a disparu depuis longtemps. D’un autre côté, les phénomènes glaciaires de la Scandinavie, de l’Angleterre et de l’Amérique nous démontrent que la croûte terrestre n’est point fixe : elle s’abaisse et s’élève. Cet effet, combiné avec le précédent, ajouterait encore à la hauteur des sommets; mais des pays peu accidentés, l’Amérique du Nord par exemple, ont été couverts de glaciers, et les dépôts coquilliers nous apprennent que l’oscillation de la côte n’a pas dépassé 180 mètres, nombre insignifiant et incapable d’expliquer la formation de glaciers dans les contrées où ils n’existent plus. Au contraire tout nous enseigne que,

  1. E. Plantamour, Du Climat de Genève, 1863.