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Quint avait chargé le duc Henri de Brunswick de conduire au secours de Naples, une nouvelle armée française se réunissait à Asti sous François de Bourbon, comte de Saint-Pol. François Ier, qui faisait les plus grands efforts afin de l’emporter dans cette lutte suprême, avait envoyé en Italie ce prince de beaucoup de bravoure, mais de moins de tête, avec la mission d’y soutenir la cause de la ligue et d’y seconder Lautrec. En même temps une flotte nombreuse commandée par le seigneur de Barbesieux, venu des mers de Bretagne, longeait les côtes de la Méditerranée et portait à l’armée de siège devant Naples quelques renforts et de l’argent. François Ier, après les premiers succès qu’il avait obtenus et qu’il avait fait assidûment connaître à tout son royaume par des manifestes publics et en demandant qu’il en fût rendu grâces à Dieu dans les églises, s’attendait au triomphe prochain de ses armes, et croyait toucher au moment heureux où il dicterait la paix.

Il avait été malade, et il passait les jours de sa convalescence à visiter le château élégant qu’il faisait depuis quelque temps construire à Fontainebleau et à chasser dans les belles forêts du voisinage, deux des choses qui plaisaient à ses goûts et convenaient à ses ardeurs. C’est là qu’il apprit la retraite des lansquenets du duc de Brunswick. Satisfait d’un événement si avantageux pour lui, s’applaudissant des mesures prévoyantes qu’il avait récemment prises, il écrivit au grand-maître de la cour, au maréchal Anne de Montmorency, qui jouissait alors de toute sa faveur et avec le chancelier Du Prat avait la principale part dans la conduite de ses affaires : « Les lansquenets venus dernièrement d’Allemagne pour l’empereur... demandent à ceux de la ligue grise de vouloir se retirer par là. Le reste desdits lansquenets, sentant approcher mon cousin de Saint-Pol avec sa force, se retirera pareillement après les autres. Ceux qui sont dans Naples perdront toute espérance d’être secourus. Ils rendront à mon cousin de Lautrec le reste de son entreprise très facile à exécuter, de sorte que j’espère, avec l’ayde de Dieu, que, avant qu’il soit bien peu de jours, nous aurons bonnes nouvelles de ce cousté-là. Grâces au Seigneur, mes affaires sont en très bon chemin de bien, et avec sa bonne ayde je n’en doibs espérer que mieulx. J’ay toute ma vie ouy dire que la force couronne la raison, et je vous laisse penser, mon cousin, quel estonnement ce sera à mes ennemys, eulx voyant affoiblir et diminuer leurs forces journellement et sur cela me veoir croistre et augmenter les myennes en la prospérité de mes affaires, qui est tout le rebours de ce qui a esté fait par le passé[1]. »

  1. Lettre de François Ier au grand-maître Anne de Montmorency, du 28 juillet 1528 — Mss. de Béthuae, vol. 8526, f° 15.