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présente en effet pour dompter le génie rebelle, et entre ces deux hommes ou plutôt entre la tradition et la pensée, entre l’autorité inflexible et lu raison qui a secoué le joug, un duel se livre, duel sans issue, où les argumens se brisent en vain contre les argumens. On conçoit qu’il fût très difficile à M. Ponsard de rendre quelque nouveauté et de donner un intérêt bien dramatique à ce débat de Sorbonne; il n’est pas parvenu malheureusement à rester toujours élégant et littéraire. Galilée, après avoir peint les audaces croissantes de la curiosité humaine et le progrès irrésistible de la science, donne à l’inquisiteur de bons conseils en vers bien médiocres :

Croyez-moi, respectez ces aspirations,
Elles ont trop d’élans et trop d’expansions
Pour souffrir qu’un geôlier les tienne prisonnières :
Laissez-leur le champ libre, ou malheur aux barrières !

Contre Rome et l’inquisition, il reste au moins à Galilée l’appui du grand-duc, qui ne lui faillira point : dernière illusion que le grand-duc vient lui-même dissiper aussitôt en confessant son impuissance et en montrant pour toute ressource au pauvre grand homme une soumission sans réserve. Galilée se prend à gémir et à se plaindre des princes; il regrette Venise, oubliant l’exemple de Bruno, dont l’inquisiteur lui-même vient de lui rappeler l’exemple, et que Venise, la libre et républicaine Venise, a livré il y a trente ans à peine à Rome, c’est-à-dire au bûcher. Vaines plaintes et vains regrets : il n’est en pareille occurrence qu’un sûr asile, qu’un appui infaillible, c’est la conscience, et voilà pourquoi nous ne pouvons que prendre en pitié ce vieillard ballotté entre des conseils contraires, tour à tour ébranlé par les supplications de Taddeo et réconforté par les encouragemens d’Antonia, demandant sa voie à deux enfans que sa sagesse devrait guider et confessant à la fin ses perplexités :

Dieu! quels rudes combats il faut que je me livre!
Ma fille d’un côté, la vérité de l’autre,
Me font ou mauvais père ou déloyal apôtre!


Galilée se trompe; nous pouvons hésiter avec Rodrigue entre son père et Chimène, mais nous n’hésitons avec le savant entre l’intérêt des siens et la vérité, car il n’y a pas de père qui doive à sa fille de renier à cause d’elle ce qu’il croit et surtout ce qu’il sait, dût ce paternel mensonge lui procurer le meilleur des établissemens. Livré à de pareilles indécisions, il est vaincu d’avance; la dernière épreuve que le poète lui réserve est superflue, et les efforts concertés des disciples, des amis, de la femme et de la fille, sont inutiles pour surmonter une résistance imaginaire. Aussi les discours qu’ils viennent lui adresser tour à tour n’ont-ils pour but que de nous remuer le cœur et de nous disposer à l’indulgence. Ces pleurs, ces cris d’une