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famille au désespoir nous émeuvent en effet ; mais-nous serions plus émus si Galilée ne faisait pas valoir en termes si étranges l’étendue de son sacrifice :


Soyez contens, amis ! Oui, je commence à voir
Que deux et deux font cinq, et que le blanc est noir ;
Je dirai désormais ce qu’on voudra ; j’avoue
Que le soleil, est plat et grand comme une roue,
Que la lune en son plein est un visage rond, etc.


Ce style burlesque est de trop en un pareil moment, et Galilée cède plus qu’on ne lui en demande. Nous voudrions du moins le savant dupe à quelque degré de sa propre émotion et trompé un instant par les sophismes du père attendri.

Par l’emploi d’un procédé vulgaire, M. Ponsard a déplacé le drame, et il l’a rapetissé du même coup. Il avait à montrer sur le théâtre de l’histoire le génie d’un homme en lutte avec la plus haute des autorités, un Prométhée de la science cloué par le Jupiter chrétien au rocher infamant du désaveu ; il nous étale dans un débat de famille les faiblesses d’une conscience débile succombant à d’indignes t’erreurs. La chute du vrai Galilée, telle qu’on la connaît, a plus de grandeur et de pathétique qu’une pareille fiction. Après avoir essayé des concessions pour frayer la voie à la vérité dans un monde encombré d’erreurs, après avoir invoqué inutilement l’appui des princes et n’en avoir reçu que des conseils de soumission, Galilée, se révoltant à la fin, n’en appelle plus qu’à l’éloquence de la vérité et à l’ascendant de la certitude. Il ne fuira pas, il ira dans Rome même faire face à l’ennemi. Il y va plein de confiance en effet ; mais là son génie étonné tremble devant la majesté des siècles incarnés dans l’église, il se sent subjugué malgré lui par l’autorité du tribunal qui est l’organe de la croyance universelle ; un doute passager se glisse peut-être en sa pensée et y voile d’un nuage l’éclat de la certitude, jusqu’au moment où, cadavre vivant, il balbutie l’abjuration qu’on lui a dictée, et où la vérité reparaît aussitôt après une éclipse momentanée. Oui, nous le préférons ainsi, victime de l’infirmité humaine et prosterné devant une puissance qui a courbé les plus forts, au père de famille débonnaire que M. Ponsard nous montre faisant aux siens de parti-pris le sacrifice de son honneur.

À la distance d’où nous observons ces premiers pas encore incertains de la science, embrassant d’un coup d’œil l’immense chaîne des découvertes successives qui ont érigé dans la pensée un nouvel univers, pouvant aussi mesurer du regard le long déclin de la puissance qui écrasait encore le monde il y a deux ou trois siècles, nous sommes parfois tentés de considérer la vérité scientifique comme une religion qui a droit aux mêmes respects et qui commande aussi impérieusement à la conscience que la foi révélée. Galilée, placé au péristyle des temps modernes, au premier rang