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Cette découverte, annoncée par le docteur Rigollot, fit sensation. Il y eut d’abord beaucoup de dénégations ; mais, les trouvailles s’étant renouvelées et une foule de géologues ayant vérifié le fait, il fallut bien se rendre à l’évidence. L’homme avait manifestement existé au temps où ces animaux peuplaient notre Europe. Une fois l’attention appelée sur des faits de cette nature, les recherches se multiplièrent. Des fouilles pratiquées en d’autres régions amenèrent la découverte de haches en silex dans des terrains quaternaires. En même temps on compulsait les annales de la science, et on s’assurait que des rencontres pareilles s’étaient déjà plusieurs fois présentées ; mais elles avaient passé inaperçues à raison de la conviction où l’on était alors que notre espèce n’apparut sur le globe qu’à une date bien plus récente.

Les géologues anglais, qui avaient cédé plus vite que les nôtres à la clarté des preuves, firent dans leur île des découvertes qui corroborèrent celles d’Abbeville et de Saint-Acheul. Des pierres taillées furent retirées du drift en divers comtés du sud et de l’est de l’Angleterre. Les alluvions anciennes ne sont pas les seules parties de l’écorce terrestre superficielle où l’homme ait laissé des traces de son existence à l’époque de la faune quaternaire. Il existe d’autres dépôts de la même époque géologique où ses vestiges se sont montrés en bien plus grand nombre, et qui ont apporté en faveur du fait révélé par les fouilles d’Abbeville et de Saint-Acheul des témoignages décisifs, je veux parler des cavernes. Elles avaient déjà fourni à la solution de la question des élémens précieux avant les travaux de M. Boucher de Perthes ; mais on ne sut pas d’abord en profiter.

Dès 1828, MM. Tournal et Christol signalèrent dans le midi de la France des cavernes où des dents, des restes humains et des poteries grossières avaient été trouvés empâtés dans les mêmes brèches que des ossemens d’espèces animales éteintes. Quelques années après, le docteur Schmerling découvrit dans des cavernes des environs de Liège, notamment dans celle d’Engis, située sur la rive droite de la Meuse, des ossemens d’hommes et même des crânes enveloppés dans les mêmes stalagmites, dans les mêmes conglomérats que des débris de mammouth, de rhinocéros tichorhinus, du grand ours des cavernes (ursus spelœus), de la grande hyène, etc. Avec ces fossiles furent recueillis des pointes de flèche en pierre, des silex taillés, des bois de cerf et des os façonnés. Le docteur Schmerling comprit toute la portée de ces faits : ils allaient droit contre l’opinion alors accréditée ; mais il n’osa point se prononcer sur les conclusions qui en découlaient, bien qu’il inclinât à supposer qu’il y avait eu coexistence de notre espèce et de ces animaux. En 1840, M. Godwin Austen, dans un mémoire sur la géologie du sud-est du