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citoyens; sans vouloir tout prévoir, elle réglait les points essentiels, la formation des cadres, la discipline, avec une louable fermeté et une juste confiance dans le pouvoir exécutif.

Nous n’avons pas besoin de rappeler la série de mesures prises successivement par le gouvernement de juillet pour achever de pourvoir à la défense de la France : le nombre de nos régimens d’infanterie porté à un chiffre qui permet de donner au complet de guerre le plus grand développement; la création des chasseurs à pied, le perfectionnement des armes, les fortifications élevées à Paris, à Lyon et sur d’autres points que l’invasion de 1814 avait trouvés si cruellement dégarnis. L’étranger n’ignorait pas ces progrès accomplis sans ostentation. Appréciées hors de France à leur valeur, nos institutions militaires remplissaient un rôle qui n’était pas sans grandeur : par le respect qu’elles inspiraient, elles contribuèrent à détourner de l’Europe le fléau de la guerre. Les sentimens de 1813 et de 1815 dominaient encore alors dans la plupart des cours étrangères; mais, ni lorsque notre armée assura fièrement l’indépendance de la Belgique, ni dans la crise de 1840, les dispositions qu’on nourrissait contre la France n’aboutirent à aucun résultat sérieux. En 1831, le maréchal Maison, alors ambassadeur du roi Louis-Philippe, causait avec l’héritier d’une grande monarchie; la conversation, fort courtoise, était cependant parsemée d’allusions. En quittant son interlocuteur, le prince lui dit d’un ton moitié railleur : « Eh! maréchal, que verrons-nous en Europe d’ici à quelques années? — Ce que nous y voyons depuis quelques mois, monseigneur, reprit rondement le vieux soldat : beaucoup de mauvaises intentions, mais pas une action! »


V.

Il nous reste à indiquer sommairement les modifications apportées depuis 1848 à nos institutions militaires. La période républicaine, n’ayant pu enfanter que des projets, ne nous arrêtera pas. On est arrivé à des résultats plus positifs depuis 1852. L’initiative du chef de l’état a fait introduire dans le matériel de l’artillerie de grands perfectionnemens dont le dernier mot n’est pas dit encore. Lorsqu’on sera parvenu à combiner l’emploi de canons légers à longue portée et à grande justesse avec l’usage de pièces destinées h produire surtout des effets écrasans, le rôle, toujours grandissant de l’artillerie, sera plus considérable encore, et la proportion de cette arme sera sans doute augmentée. L’infanterie, cette reine des batailles, a vu accroître le nombre des bataillons de chasseurs à pied, des régimens de zouaves et de tirailleurs algériens; la transformation si délicate de son armement semble devoir amener des changemens dans son ordonnance, et nécessitera de nouveaux pro[cédés-