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mesurent environ qu’un centième de millimètre dans leur plus grande longueur, sont allongés et de forme cylindrique. Ils sont d’une structure moins compliquée que celle des zoospores : beaucoup ne présentent qu’une petite vésicule transparente, tandis que d’autres, plus simples encore et privés même d’une membrane enveloppante, forment une masse uniforme où les plus forts grossissemens ne révèlent aucune trace d’organisation. Généralement leur extrémité postérieure, vaguement colorée d’une teinte orangée, se renfle en s’aplatissant un peu, tandis que l’extrémité antérieure s’atténue comme chez les zoospores en une sorte de rostre hyalin. Au bout de ce rostre s’agitent, semblables aux antennes des coléoptères, deux longs cils d’une si extrême ténuité qu’ils ne deviennent visibles que lorsqu’on plonge les corpuscules dans une solution iodée. A peine les anthérozoïdes sont-ils sortis de leur cellule-mère, où ils remuaient confusément, qu’ils recommencent à s’agiter dans l’eau, d’abord avec une certaine lenteur, puis avec des mouvemens qui s’accélèrent et deviennent bientôt tout à fait caractéristiques. Les plus faibles se bornent à une sorte d’oscillation qui ressemble à un tâtonnement, les autres tournent rapidement sur eux-mêmes, mais le plus souvent ils décrivent une courbe par un mouvement de progression saccadée et comme par une série de sauts qu’influence incontestablement la lumière.

Cette faculté de locomotion, propre aux zoospores comme aux anthérozoïdes et entièrement indépendante de toute cause motrice extérieure, est inexplicable par les lois physiques ordinaires, y compris le phénomène connu en micrographie sous le nom de mouvement brownien[1]. Elle se rapproche tellement de celle des animaux inférieurs que, si l’on ne connaissait parfaitement l’origine de ces singulières semences mouvantes, ainsi que leur destination définitive, on les confondrait avec les véritables animalcules infusoires. Les auteurs les moins enclins à adopter les conclusions du vitalisme dogmatique s’abstiennent de formuler un avis motivé ; ils se demandent si la motilité des zoospores et des anthérozoïdes est autre chose qu’un « état en quelque sorte convulsif et désordonné de la matière organisée, » ou bien si elle est le produit d’une faculté instinctive qui la régularise et la modifie suivant les circonstances. Ce qu’il y a d’incontestable, c’est que la fougue de ces ani-

  1. La plupart des corps solides organiques et inorganiques suffisamment divisés et tenus en suspension dans un liquide sont immédiatement animés d’un mouvement singulier qu’on appelle brownien, du nom du botaniste Brown, qui, le premier, observa ce phénomène. Ainsi une gouttelette d’eau colorée par le contact d’un fragment de gomme-gutte ou de carmin devient sous l’objectif du microscope une sorte de lac où titubent sur eux-mêmes des myriades de corpuscules. Ils se meuvent irrégulièrement en tous sens autour d’un point central, comme s’ils étaient suspendus à l’extrémité d’un fil.