Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/745

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne plâtre guère les dehors que lorsque l’édifice s’ébranle. Que de variétés de situation se montrent ainsi, et dont il importe de tenir compte ! Au fond de tout acte, il y a l’esprit dont il s’inspire, et qui est à démêler, l’esprit de calcul, l’esprit de secte quelquefois ; souvent l’esprit religieux, qui doit garder son domaine à part. De tout cela, il s’agit d’extraire ce qui est compatible avec un concours entre établissemens d’industrie, en séparant les élémens artificiels, toujours fragiles, de ceux qui, conformes à la nature des choses, sont vraiment susceptibles de durée.

A qui est échue cette besogne délicate ? A un jury composé de neuf Français et de seize étrangers. Les noms sonnent bien, les hommes occupent de grandes positions, beaucoup ont fait preuve d’une certaine expérience des affaires ; mais, sans esprit de dénigrement, il est permis de dire que, sur ces vingt-cinq jurés, vingt au moins sont étrangers aux questions d’industrie. Y ont-ils suppléé par des enquêtes particulières ? Personne n’eût songé à l’exiger d’eux. Tout au plus consentiront-ils, au dernier moment et en toute hâte, à jeter les yeux sur les dossiers échappés à un dépouillement préalable, si toutefois la tribune, la guerre, l’église, la diplomatie et l’administration leur laissent quelques heures disponibles. Les dossiers d’ailleurs fussent-ils tous étudiés, qu’un doute subsisterait, pour quelques-uns du moins, sur le degré de confiance qu’ils méritent. Comment en serait-il autrement ? La plupart de ces dossiers ne se composent que de mémoires apologétiques rédigés par les intéressés eux-mêmes, et on ne saurait attendre d’eux que, dans l’énumération de leurs titres, ils restent en-deçà de la réalité. Point de vérification ni de contrôle, rien de contradictoire, l’imagination a pu se donner carrière impunément. On avait bien essayé d’établir une sorte d’information à plusieurs degrés, les comités départementaux, les chambres de commerce et en dernier ressort le préfet ; mais comment le préfet, les chambres et les comités auraient-ils pu s’assurer de la sincérité des déclarations sans recourir à des formes blessantes ? Ils n’y ont pas même songé, et ce grand appareil d’instruction a dégénéré presque partout en apostilles favorables. Les prétendans arrivent donc devant le jury tels qu’ils se jugent et se peignent eux-mêmes. Les plus dignes se seront bornés strictement aux faits, les plus ardens se seront livrés à quelques embellissement de fantaisie. Ce ne sera pas une petite affaire pour les juges du camp que de remettre chacun à sa place et de prendre pour les mérites une autre échelle que les prétentions.

Tant qu’il s’agira seulement des récompenses secondaires, un accord final pourra se faire sur les choix, si contesté que soit l’ordre