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professait à notre égard nous auraient préservé d’un si cruel affront. Nous nous apercevons que nous nous sommes trompé. Nous vous le dirons donc franchement : depuis notre retour de Paris, nous n’avons éprouvé qu’amertumes et déplaisirs, tandis qu’au contraire la connaissance personnelle que nous avions faite de votre majesté et notre conduite invariable à son égard semblaient devoir nous promettre un tout autre traitement. En un mot, nous ne trouvons pas chez votre majesté le retour des sentimens que nous nous croyions en droit d’attendre de sa justice. Ce que nous nous devons à nous-même, ce que nous imposent les obligations contractées envers nos propres sujets, c’est de réclamer de votre majesté l’évacuation d’Ancône, et nous ne verrions pas, si un refus nous était opposé, comment le concilier avec la continuation des bons rapports avec le ministre de votre majesté, ces rapports devenant en trop évidente contradiction avec le traitement que nous continuerions à recevoir dans cette affaire de la ville d’Ancône.

« Que votre majesté soit bien persuadée que nous accomplissons un devoir bien pénible pour notre cœur en lui adressant cette lettre, mais nous ne pouvions nous taire sans dissimuler la vérité et manquer aux étroites obligations qui nous sont si évidemment imposées ; c’est pourquoi nous voulons espérer qu’au milieu des amertumes dont nous sommes abreuvé votre majesté voudra bien au moins nous délivrer de celle dont le poids pèse si étrangement sur nous en ce moment, et que sa volonté seule suffirait à nous épargner. »


Il semblait qu’il fût difficile de se méprendre sur le sens de cette revendication par le saint-père des droits de sa neutralité. Les motifs qu’il invoquait, n’étaient-ce pas ceux là mêmes qu’il venait d’opposer tout à l’heure aux instances des diplomates étrangers, quand ceux-ci avaient tenté de l’entraîner dans leur coalition contre la France ? Dans ces reproches adressés à Napoléon, on sentait le ton plaintif de la tendresse blessée plutôt que l’aigre accent d’une menaçante récrimination. Il y avait plus de tristesse à cour sûr que de colère dans la façon dont Pie VII rappelait les traitemens auxquels il avait été en butte depuis le jour où, par un acte d’insigne complaisance, il avait consenti à venir sacrer l’empereur à Paris. Quant à la crainte doucement exprimée de ne pouvoir continuer ses bons rapports avec l’ambassadeur de France, si l’évacuation d’Ancône n’était révoquée, comment ne pas comprendre qu’elle avait été à peu près imposée au saint-père par l’obligation où il était de donner dans Rome même aux agens des cabinets ligués contre l’empereur un gage assuré de cette impartialité qu’ils s’obstinaient tous à vouloir mettre en doute ? Napoléon, s’il eût été de sang-froid et s’il eût écouté les inspirations ordinaires de son incomparable bon sens, n’en aurait pas jugé autrement. Par malheur, quand la lettre que nous venons de citer lui parvint il était aux prises avec les