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mouvement tractarien. Quoique secrètement favorables à une doctrine qui cherchait à rehausser leur autorité, les évêques s’effrayèrent de ces clameurs, et résolurent d’examiner l’affaire. Sous les incitations de ses collègues, le lord prélat d’Oxford adressa une lettre au docteur Newmann, vicaire de Sainte-Marie, son subordonné ecclésiastique. Il lui suggérait une rétractation. Celui-ci s’y refusa avec hauteur. — « Gardez au moins le silence devant l’attaque, » lui fit dire l’évêque. — « Garder le silence devant l’attaque, répartit M. Newmann, c’est pis que me condamner moi-même. » L’évêque se vit contraint de le réprimander ; mais, loin de se soumettre, l’auteur du Tract XC entrant en lutte ouverte : « Je n’ai rien à regretter, écrivit-il au prélat, je n’ai qu’à me réjouir et à remercier Dieu. Je ne me suis jamais cru assez fort pour diriger un parti, et je n’ai pas combattu pour la gloire de combattre. J’ai agi parce que d’autres n’osaient point agir. Aujourd’hui la persécution et l’humiliation personnelle viennent me frapper, je serai assez fort pour les supporter. Que Dieu soit avec moi dans l’avenir, comme il l’a été dans le passé ! »

Bientôt cependant un fait plus grave encore amena une rupture solennelle entre les chefs du mouvement et ceux de l’église anglicane. Après le traité de 1840 qui constitua en Égypte un gouvernement héréditaire et rendit la Syrie au sultan, le gouvernement de la reine avait cru politique de s’entendre avec les cours protestantes d’Allemagne et de Prusse pour instituer à Jérusalem un évêque qui devait être en Orient le chef suprême des anglicans, des luthériens et des calvinistes. Sans contestation aucune, le parlement avait voté le bill, et le clergé conféré l’ordination. De là grand scandale à Oxford ; les docteurs tractariens s’élevèrent avec violence contre l’investiture nouvelle. En leur nom, M. Newmann envoya une solennelle protestation à l’archevêque primat de Cantorbéry. « S’il est vrai, disait-il, que l’église d’Angleterre a toujours été catholique, d’où vient qu’elle s’allie aux luthériens et aux calvinistes hérétiques, repoussés par l’Orient comme par l’Occident ? Quelle est cette investiture donnée au nom de la Prusse protestante à un évêque catholique ? Quelle est cette juridiction spirituelle qui lui est confiée sur les hérétiques ?… Prêtre de la sainte église d’Angleterre, je proteste contre une mesure qui répugne à ma conscience, et que doit désavouer l’église de mon pays. »

À cet audacieux appel, l’épiscopat tout entier parut s’émouvoir. La dernière série des Tracts, publiquement censurée par les évêques, fut prohibée par chacun d’eux dans son diocèse. Alors les novateurs, faisant un pas en avant, rompirent tous les liens qui les attachaient à l’anglicanisme protestant, et, suivant l’exemple déjà