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fond les finances de tous les anciens états italiens, les ressources du pays aussi bien que ses misères, toutes ces questions de péréquation qui ont été une épreuve sérieuse pour la constitution de l’unité italienne. Pasini ne se faisait du reste aucune illusion. Il croyait les finances malades, très malades ; il pensait qu’on se laissait aller beaucoup trop à compter sur les moyens extraordinaires pour combler le déficit, à augmenter les dépenses en faisant tout ce qu’il fallait pour diminuer les recettes. Il croyait qu’on s’était trompé plus d’une fois, il le disait hautement, sans se décourager d’ailleurs, et si on l’accusait de pessimisme, il répondait avec fermeté dans un de ses derniers discours : « Je me suis entendu reprocher d’avoir prononcé dans cette chambre des paroles qui faisaient allusion à la triste condition de nos finances. Eh bien ! messieurs, je suis d’une opinion tout opposée à la vôtre ; je l’ai déclaré et je le déclare encore, selon moi, le crédit ne se fait pas avec l’inconnu. Quand vous dissimulez les conditions vraies des finances, quand ces conditions ne résultent pas des débats parlementaires, de façon à ne pouvoir être mises en doute par qui que ce soit, le crédit en souffre ; on présume des maux plus grands que ceux qui existent. C’est pourquoi, prenant en considération l’état vrai des finances de mon pays, j’entends faire ce que le bien de mon pays commande, rien d’autre. » C’est par cette franchise de langage unie à une expérience pratique consommée que Pasini se faisait de jour en jour une autorité plus grande, lorsqu’au mois de mars 1864 il était pris tout à coup d’un refroidissement qui l’emportait en une semaine, et lui aussi, dans le délire de sa dernière heure, il parlait de l’Italie, du parlement, de la vie publique. Celui qui expirait ainsi à l’improviste était probablement un ministre des finances naturel dans la situation difficile où entrait l’Italie. Il avait l’activité, l’expérience, la fécondité de conception, le courage de dire la vérité, tout ce dont l’Italie a besoin aujourd’hui, tout ce qui fait l’homme d’état réparateur et organisateur du lendemain des révolutions.


CH. DE MAZADE.