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étaient les docteurs de la nouvelle doctrine, il les réunit au nombre de cinq cents dans la grande mosquée de Dereyah, et les mit en présence des docteurs égyptiens qui l’accompagnaient, en les engageant à tenir un concile dans lequel se débattraient à l’amiable les questions religieuses. Le concile durait depuis plusieurs jours, et les docteurs n’étaient point encore lassés d’argumens, lorsque Ibrahim, impatienté, lâcha ses soldats dans la salle avec ordre d’exterminer les théologiens wahabites. Cette procédure à la turque rétablit quelque temps la paix dans le pays, et Ibrahim put se livrer sans obstacle aux plans de réorganisation que le fanatisme du parti hostile eût fait échouer.

Tant qu’Ibrahim demeura chargé du gouvernement de l’Arabie, l’ordre régna dans le pays, et l’autorité égyptienne parut définitivement consolidée ; mais après lui vinrent des pachas qui, par leur incurie et par leurs violences, compromirent son œuvre. Le fils d’Abdallah, Turki, échappé aux désastres de sa famille, reparut dans le Nedjed, chassa les Égyptiens et régna plusieurs années à Riad, où il établit sa capitale. Son fils et successeur, Feysul, après maintes aventures qu’il serait trop long de raconter, repoussa les nouvelles attaques de l’Égypte, qui ne pouvait abandonner sans lutte sa récente conquête, releva le drapeau de la doctrine wahabite, et ressuscita l’empire de Saoud. Ce fut lui que M. Palgrave trouva sur le trône de Riad, redouté et respecté, possédant, soit directement, soit par droit de suzeraineté, toute l’Arabie centrale, et gouvernant une population de près de un million quatre cent mille âmes, avec un budget de trois millions de francs. — Telle est en raccourci l’histoire de la péninsule depuis le commencement de ce siècle. On y voit le prophète Wahab, le roi Saoud, fondateur d’une dynastie, le conquérant Ibrahim, trois grandes figures qui dominent la période contemporaine, et qui laisseront un souvenir durable dans les annales de l’Arabie. Le wahabisme, que l’on peut considérer comme le héros de cette histoire, s’est révélé avec éclat ; il a eu ses éclipses et ses résurrections ; il s’est étendu au point d’envahir Médine et La Mecque pour se replier ensuite vers son berceau. Il s’est mesuré avec la puissance égyptienne, tour à tour vaincu et victorieux, et il est jusqu’ici demeuré maître de la place, sous la protection du désert qui l’entoure. Doit-il encore s’épandre au dehors, recommencer l’ère des conquêtes, réapparaître dans les villes saintes du mahométisme et de là menacer l’autorité politique et religieuse de Constantinople, ce qui lui vaudrait l’honneur peu enviable d’être impliqué dans ce que nous appelons la question d’Orient, et attirerait sur lui l’attention intéressée des cabinets européens ? M. Palgrave ne s’explique pas nettement à cet égard ; il semble le craindre cependant quand il dit que « le Nedjed est