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les résultats de l’opération seront tout opposés, d’une année à l’autre, si la mort, ayant d’abord moissonné plus d’enfans que de vieillards, vient tout à coup à moissonner plus de vieillards que d’enfans. Ce qui d’ailleurs enlève aux supputations de la statistique officielle, quelque exactes qu’elles soient en elles-mêmes, la consolante autorité que M. Broca leur attribue, c’est qu’on n’a pas songé, dans les calculs, à tenir le moindre compte d’un fait pourtant très grave et très anormal, la constante diminution du nombre des naissances. Ce n’était cependant pas là un élément à négliger. La mortalité n’est pas la même à tout âge ; toute génération, dans l’année qui suit la naissance, perd de 170 à 180 individus sur 1,000 ; au contraire de 1 an à 20 ans, elle n’en perd que 16.

La différence saute aux yeux. Or, si comparativement à une époque encore peu éloignée, nous avons un déchet annuel de 100,000 naissances, il s’ensuit que nous enregistrons annuellement 18,000 décès de moins. Pour comprendre l’influence que cela peut exercer sur le calcul de la vie moyenne d’après la méthode officielle, il suffit de savoir qu’on note l’âge de chaque homme, enfant ou vieillard, mort dans l’année, qu’on additionne ensuite tous ces différens âges, et qu’on divise enfin ce total par le nombre des décédés. Le quotient ainsi obtenu indique la durée de la vie moyenne. Tout le monde à présent peut aisément se rendre compte du résultat de l’opération, si on eût ajouté au nombre des morts 18,000 enfans ayant chacun vécu une année. Sans entrer ici dans le détail de cet aride calcul, nous nous bornerons à dire qu’il aurait eu pour effet d’abaisser à 37 ans le chiffre de la vie moyenne, évalué par suite de cette omission à 38 ans. Cependant les conditions générales de la mortalité étant restées les mêmes dans toutes les classes et dans tous les âges, cet abaissement de la vie moyenne, au lieu d’être un sujet d’inquiétude, n’aurait été qu’un signe de prospérité, puisque sur 100,000 nouveau-nés la France en aurait conservé 82,000.

Un exemple va compléter cette démonstration. Dans un rapport sur la statistique de la France, le ministre de l’agriculture et du commerce, après avoir signalé les variations de la vie moyenne de 1806 à 1859, s’exprime ainsi : « C’est dans la période de 1850 à 1855 que la durée de la vie moyenne a atteint son maximum aux différens âges. En comparant ces résultats à ceux de la période la plus reculée, on voit que la vie moyenne des individus de tout âge s’est accrue de cinq ans et deux mois. » Il n’est personne qui, en lisant ces lignes, ne soit enclin à supposer que l’heureuse période tant célébrée par le ministre est sans doute celle où il y a eu en France le moins de deuils. Eh bien ! point, c’est peut-être la