Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/626

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui est devenu la fin de ces investigations relatives au travail, si fréquentes à notre époque, et dont ni Montaigne ni son siècle ne pouvaient soupçonner le futur essor.

Examiné de ce nouveau point de vue, l’état des métayers du Périgord provoque des impressions bien multiples et bien diverses. Les conditions élémentaires de leur vie matérielle n’offrent d’abord rien dont les regards soient attristés. La base essentielle de l’alimentation consiste dans un très bon pain de froment, auquel ne se mélange jamais, comme dans d’autres régions, la farine d’avoine ou la fécule grossièrement extraite des pommes de terre. Le maïs ne sert communément que dans la basse-cour, et on récolte peu de sarrasin. Reste le seigle, mais on le sème ici en petite quantité, et seulement en vue d’en avoir la paille, dont la longueur s’adapte à merveille à plusieurs usages agricoles. Notons en outre que le vin, — une des plus notables productions de tout le Périgord, paraît dans les campagnes sur toutes les tables. Point ou peu de métayers qui n’aient leur lot de vigne dont ils consomment d’ordinaire toute la récolte. Quelques-uns, si l’année est bonne, en peuvent vendre une ou deux pièces. Tous ont assez généralement l’habitude d’augmenter la provision du cellier à l’aide d’une sorte de piquette qui ne manque ni de saveur ni de montant.

À ces premiers élémens s’ajoute toujours en une quantité plus ou moins grande la viande de porc, surtout durant l’hiver. Les oies, qu’on élève en fort grand nombre dans la contrée, figurent également dans la consommation courante. On les conserve dans de larges pots de grès, sous le nom vulgaire de confits, pour en utiliser ensuite la graisse dans le ménage. Si répandu dans d’autres provinces, en Bretagne, en Normandie, en Flandre, l’usage du lait et du beurre est ici absolument inconnu. Comme on emploie les vaches au labourage au lieu des chevaux et des bœufs, elles n’ont point de lait, si ce n’est au moment où elles mettent bas et seulement pour la nourriture de leurs veaux. Les paysans de la contrée sourient de dédain et presque de pitié quand on leur apprend qu’ailleurs nombre de cultivateurs seraient bien surpris d’entendre dire qu’on peut se passer de laitage.

Dans ces conditions, on voit que, sans être misérable, la vie matérielle des métayers périgourdins est fort économique. Dès qu’on examine au contraire la culture intellectuelle de cette population, on est douloureusement affecté. Le département de la Dordogne ne vient qu’au quatre-vingtième rang en fait d’instruction primaire, tant l’ignorance y est générale. Les métayers ne songent même pas à l’instruction : ce n’est pas d’eux qu’on pourrait dire, en empruntant à Montaigne un vieux mot français, qu’ils se tourneboulent,