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et l’intensité de ces dernières dépendent de la façon dont la corde est ébranlée, du point où on l’ébranle, enfin de l’épaisseur, de la raideur et de l’élasticité de la corde. Sur la harpe et la guitare, on pince la corde avec le doigt ; sur la cithare l’on se sert d’un anneau ou plectrum. Sur le piano, la corde est frappée vivement par un marteau. Plus le choc est grand, plus la force vive imprimée à la corde tend à y multiplier les ondulations harmoniques. Aussi y a-t-il avantage sur le piano à employer des marteaux lourds et très élastiques qui bondissent sur la corde. Les luthiers savent que la composition de ces marteaux a l’influence la plus directe sur le timbre de l’instrument. Avec un bon piano, on entend facilement les six premières harmoniques de chaque note ; la septième fait défaut, parce que les luthiers la suppriment en choisissant d’une manière convenable le point où le marteau heurte la corde[1].

Le frottement de l’archet détermine sur les cordes des vibrations dont la théorie n’est pas aussi simple que dans le cas du simple choc. Les notes harmoniques naissent toutefois avec facilité sous la douce torsion de l’archet. La note fondamentale ainsi obtenue est relativement plus puissante que celle d’un clavier ou d’une guitare ; les six premières harmoniques demeurent plus faibles, mais en revanche les plus aiguës, depuis la sixième jusqu’à la dixième, sont plus distinctes, ce qui donne au son total un éclat plus perçant. Tout le monde sait que les cordes du violon communiquent leur vibration à une boîte sonore, faite de bois mince et élastique, qui joue le rôle d’un résonnateur. La qualité, le timbre des sons tient non-seulement au coup d’archet, mais encore à l’élasticité plus ou moins parfaite de la caisse sonore, aux nuances les plus délicates de ses

  1. Il suffit, nous l’avons dit, pour supprimer une vibration, de déterminer un nœud à un des points où cette vibration nécessiterait un ventre ; touchez, par exemple, le milieu de la corde, et elle ne pourra vibrer dans son entier, ni par tiers, ni par cinquièmes, etc. Sur le piano, les marteaux sont placés de telle façon qu’ils frappent les cordes en des points placés environ entre le septième et le neuvième de leur longueur. L’expérience de deux siècles a conduit les luthiers à adopter cette règle empirique, et la théorie démontre qu’elle a précisément pour effet de supprimer ou du moins d’affaiblir considérablement la septième et la neuvième harmonique, qui sont toutes deux en dissonance avec la tonique. Dans les hautes octaves, les cordes sont très courtes et très raides, et on les frappe encore plus près de l’extrémité pour laisser plus de liberté au développement des harmoniques et pour donner au son du brillant. Sur ces parties élevées de l’instrument, les harmoniques ont peine à naître à cause de l’extrême tension des cordes ; mais dans les parties moyennes et basses il arrive que certaines harmoniques sont plus intenses que le son fondamental lui-même. Le toucher a une influence marquée sur ce phénomène ; aussi n’y a-t-il pas d’instrument dont le timbre soit aussi variable, aussi souple, aussi personnel que celui du piano. Sous des doigts habiles, il se prête aux effets les plus divers, et semble prendre des voix différentes au gré de l’artiste.