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une forme nouvelle et dernière la lointaine et vague notion du monde surnaturel et de la vie future.

Ces deux dogmes en effet, comme la religion hellénique elle-même, ne sont pas sortis spontanément du sol, où les attachent néanmoins de si profondes racines qu’il n’est pas possible de les en séparer. Le germe du polythéisme fut apporté du dehors et de loin, et l’analyse scientifique de ses origines distingue très nettement aujourd’hui ses deux élémens constitutifs que nous devons rappeler au début de ce travail, à savoir les traditions métaphysiques et saintes de la race aryenne, emportées du Haut-Orient par les ancêtres des Hellènes, et les symboles nouveaux qui, au terme de ce long voyage, rajeunirent ces traditions. L’ethnologie, la philologie et la mythologie comparées sont d’accord pour rattacher par une incontestable filiation le monde grec à cette branche de la famille humaine qui s’est développée, aux temps anté-historiques, dans les vallées supérieures de l’Indus, où elle a produit alors la langue, la religion et la poésie védiques. On entrevoit encore dans les Védas les linéamens de plus d’un mythe grec ; mais il n’est guère possible de retrouver toutes les modifications successives qui conduisent de ce dessin antique aux créations nettes et vivantes, au coloris éclatant de l’hellénisme. Les transformations et les altérations lentes des symboles primitifs nous échappent, de même que, jusqu’à cette heure, la plupart des étapes des migrations aryennes entre l’Asie centrale et l’Europe. De vallée en vallée, comme aussi de génération en génération, cette religion errante perdait quelque chose des croyances premières ; mais, toujours fidèle à son génie propre, attentive à la manifestation des forces et des lois divines dans la nature, elle réparait, par une invention permanente, les brèches que l’éloignement et l’oubli faisaient sans cesse à ses vieux dogmes. Cette renaissance perpétuelle des mythes asiatiques, ces formes changeantes, mais toujours plus parfaites et plus plastiques, sont l’œuvre personnelle de l’esprit grec : elles sont, dans la constitution du polythéisme, l’élément original, autochthone et local. Les peuples répandus sur les rives de la mer Egée et dans les îles de l’archipel ont eu une religion nationale le jour où ils ont entendu et compris la révélation de la nature sous ce beau ciel, le jour où leurs derniers dieux, créés par une foi encore naïve, leur apparurent clairement à travers les évolutions de la vie universelle, les plus grands et les plus forts marchant sur les têtes neigeuses des montagnes, tout rayonnans dans la lumière sacrée, les plus petits et les plus humbles se jouant au bord des sources ou dans les vagues empourprées de la mer. En même temps s’effaçait dans leur esprit le dernier souvenir des traditions originelles. Ils crurent que leurs dieux, comme leur race, n’avaient eu d’autre