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ou à peu d’intervalle, la fortune ne se montrait pas aussi favorable. Il est vrai que ces divisions avaient devant elles des forces bien autrement imposantes, à peu près toute l’armée autrichienne venant disputer les positions qu’on prétendait aborder, et deux d’entre elles au moins n’étaient pas dans les meilleures conditions de marche pour aller au-devant d’un choc. La première qui rencontra l’ennemi fut celle de Sirtori. Sirtori, disais-je, en quittant Valeggio avait perdu son avant-garde ; il ne le savait même pas, ou il savait tout au plus qu’elle était égarée, et il s’avançait tranquillement sur le chemin intermédiaire qui lui avait été assigné. A six heures et demie, il atteignait le Tione, profondément encaissé en cet endroit et dominé des deux côtés par des crêtes tournantes, dont l’une, sur la rive droite, est celle de Sainte-Lucie, qu’il ne faut pas confondre, comme on le fit à cette époque, avec Sainte-Lucie devant Vérone. Arrivé là, Sirtori, marchant en tête de sa division, dépassait le Tione et gravissait les premières pentes, qui, avant de se dérouler vers Capellino et San-Rocco-di-Palazzolo, passent sous une ferme dite la Pernisa, lorsqu’il se voyait tout à coup salué par une vive fusillade. Il avait encore si peu de méfiance qu’au premier moment il crut à une erreur de son avant-garde, qui se retrouvait devant lui, et il s’avança faisant des signes d’intelligence, défendant aux siens de tirer, envoyant en même temps deux officiers pour faire cesser le feu. La méprise ne pouvait durer longtemps. Sirtori avait affaire aux avant-postes de 5e corps de l’armée autrichienne, venant de San-Rocco-di-Palazzolo et occupant déjà les hauteurs de Capellino, couvertes de son artillerie. C’était une épreuve critique pour ce vaillant homme, devenu général après avoir été prêtre, puis chef de volontaires, connu d’ailleurs pour son énergie dans la défense de Venise en 1849, et placé tout à coup avec sa division en face de forces supérieures. Surpris en marche, privé d’une partie de ses troupes, menacé par les batteries autrichiennes qui le dominaient et auxquelles il n’avait à opposer qu’une artillerie fort inégale, ne sachant rien d’un autre côté des autres divisions de l’armée, Sirtori, à ce qu’il semble, n’aurait eu qu’à se replier avec toutes ses forces sur la rive droite du Tione, où il pouvait tenir avec avantage en attendant de voir plus clair, d’être mieux informé et de pouvoir reprendre une offensive efficace. Il ne voulut pas reculer, et, disposant la première ligne de ses forces autour de la Pernisa, tandis que la seconde ligne restait encore de l’autre côte de la rivière, il accepta le combat.

Cette résolution était une inspiration de courage ; mais Sirtori avait évidemment l’infériorité des forces et des positions. Il acceptait le combat ayant à dos une petite rivière aux abords difficiles, tandis que les Autrichiens le couvraient de feu du haut de