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étages supérieurs des plus hauts édifices ne recevaient pas directement leur part aussi bien que les rez-de-chaussée ; c’est dire que le niveau de la nappe alimentaire doit être à 80 mètres au-dessus de l’étiage de la Seine. La solution idéale serait d’avoir au sommet de la butte Montmartre un réservoir de 100 mètres de large, 100 mètres de long et 42 mètres de profondeur qui se remplirait chaque nuit et serait vidé pendant le jour. Ces dimensions énormes donneront une idée assez juste des difficultés avec lesquelles on avait à compter.

Un court historique montrera comment la question a été envisagée aux diverses époques de l’histoire de Paris. L’empereur Julien, qui éprouvait, paraît-il, comme tous les Romains, une répugnance instinctive pour les eaux de fleuve, quoique la Seine dût être de son temps très limpide en comparaison de ce qu’elle est aujourd’hui, fit construire un aqueduc entre les sources d’Arcueil et son palais des Thermes. C’est le plus ancien ouvrage hydraulique dont il reste des traces auprès de Paris. Les eaux n’en devaient être que médiocres, car aujourd’hui elles sont incrustantes, et, bien qu’agréables à boire, contiennent une proportion trop considérable de sels calcaires. Au moyen âge, les abbés de Saint-Laurent et de Saint-Martin-des-Champs amenèrent à des fontaines érigées dans le voisinage de leurs couvens les sources des coteaux de Belleville et de Ménilmontant ; un peu plus tard, Philippe-Auguste fit venir dans le quartier des Halles les eaux des Prés-Saint-Gervais. Toutes ces sources étaient de la plus mauvaise qualité ; le peuple prenait sans doute dans la Seine elle-même ce qui était nécessaire à ses besoins, très restreints à cette époque. On en vint bientôt à installer des pompes afin d’éviter aux habitans la peine de puiser directement au fleuve ; les établissemens hydrauliques de la Samaritaine et du pont Notre-Dame furent alors construits. Les anciens préjugés des Romains contre les eaux de rivière étaient oubliés ; bien plus, on n’avait même pas soin d’établir les prises en amont de la ville, où l’on eût recueilli un liquide plus suspect. A la fin du XVIIIe siècle, une compagnie particulière, à laquelle fut octroyé le privilège de créer une distribution à domicile, s’organisa de la manière la moins heureuse ; elle installa ses pompes et ses réservoirs à Chaillot, dans la partie du fleuve la plus souillée par les égouts. Ce que fournissaient les pompes et les sources était si peu de chose, il y a soixante ans, — 8,000 mètres cubes par jour tout au plus, — que l’on a peine à imaginer comment la population de Paris pouvait s’en contenter. L’empereur Napoléon Ier décupla les ressources hydrauliques de la capitale en faisant exécuter le canal de l’Ourcq, qui fut à la fois un canal de navigation et un mode d’approvisionnement pour les