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Champ de Mars pouvaient donner place à de simples hangars en planches, de hauteur moyenne, éclairés par un jour d’atelier, appropriés à la destination spéciale qu’ils devaient recevoir, et bien préférables sous tous les rapports à ces vastes granges où les murailles, couvertes de tableaux, ressemblent à des murs placardés d’affiches. Le sol est un béton que ne garantit nulle natte, qui s’effrite sous les pieds, répand une poussière permanente, et qu’on est obligé d’arroser comme un trottoir. Un calicot blanc et transparent forme plafond et laisse pénétrer un soleil criard qui détruit l’effet des tableaux, leur donne d’insupportables luisans, fait saillir en relief le grain de la toile, peut compromettre la solidité des œuvres exposées. Les tableaux de la Belgique, de la Hollande, de la Bavière, de l’Angleterre, de la Suisse, sont défendus par une légère barrière contre les gestes indiscrets des visiteurs ; chez nous, rien ne protège les toiles contre la maladresse des coups de coude. Quelques-uns de nos tableaux, de ceux que l’an dernier on avait jugés dignes d’être placés sur la cimaise, sont aujourd’hui juchés sous la frise, à une telle élévation qu’ils perdent tout intérêt. L’art français ne manque pas d’importance cependant, et nous aurions dû mettre quelque coquetterie à le montrer dans tout son lustre à nos concurrens et à nos rivaux. Quant au catalogue, je n’en parle pas ; il est plein de telles irrégularités qu’il paraît avoir été fait pour égarer et non pour renseigner le public.

Comment la commission impériale ne s’est-elle pas aperçue qu’il y a une certaine différence entre des œuvres d’art et des machines à vapeur, et que l’emplacement qui convient aux secondes n’est pas fait pour les premières ? Pourquoi n’a-t-on pas fait cette réflexion, si simple qu’elle en est enfantine, qu’un local doit être modifié selon l’objet auquel on le réserve ? Comment ! nous avons des musées où le jour est ménagé avec soin, où les tableaux sont traités, si je puis dire, selon leur tempérament particulier ; nous avons des bibliothèques silencieuses et recueillies où l’on peut étudier en paix ; nous avons des théâtres commodes, éclairés, capitonnés, disposés pour l’acoustique et pour la vue, et l’on s’imagine que l’on peut, sans péril pour les intérêts de l’art, accrocher des tableaux dans une salle qui n’a même pas de portes battantes, presque en plein vent, presque en plein soleil ? C’est à n’y pas croire. A qui donc l’idée viendrait-elle de faire une lecture dans un champ de foire ou d’exécuter une symphonie dans une usine en travail ? Les autres peuples ont montré à l’égard de leurs artistes un souci qui devrait être pour nous une leçon et un exemple. Sans sortir de France, nous avons une preuve décisive du soin que le ministère de la maison de l’empereur sait apporter à l’exhibition des