singulier de l’ancien temps, que l’expérience lui a profité, car il a perdu cette façon fâcheuse d’écarquiller outre mesure les yeux de ses personnages, mauvaise habitude qu’il avait jadis et qui dans ses Funérailles détruisait en partie l’effet de sa composition. Aujourd’hui il est plus sobre de geste et d’expression : aussi, malgré la violence du sujet qu’il a choisi, il reste dans des données excellentes et qui méritent d’être signalées.
J’aurais voulu parler de la Suisse, qui, par la façon très intelligente dont elle a organisé son exposition particulière, prouve qu’elle a le goût des œuvres d’art et qu’elle sait comment on doit les offrir aux regards du public. Malheureusement ses deux artistes les plus remarquables, les seuls qui pouvaient lui donner une importance réelle, MM. Gleyre et Van Muyden, n’ont pas jugé à propos d’exposer. Il ne nous appartient pas d’apprécier les motifs, très sérieux sans doute, qui ont déterminé leur abstention ; nous ne pouvons que la constater en regrettant qu’au jour du combat les capitaines n’aient point marché au feu les premiers. En Hollande, M. Bischoff s’impose à l’attention par des facultés de coloriste extrêmement remarquables. A voir certains tours de force d’exécution, qui sont beaucoup dans la peinture, mais qui sont loin d’être toute la peinture, il est à craindre qu’il ne sacrifie trop à la couleur, il y a en M. Bischoff l’étoffe d’un artiste de premier ordre ; arrivera-t-il à dégager de sa gangue la pierre précieuse qu’il possède ? Il faut l’espérer, mais il n’y parviendra qu’à la condition de veiller attentivement sur lui, de serrer sa manière et de chercher l’expression, sans laquelle nulle œuvre ne subsiste. Dans la Prière interrompue, tout le talent du peintre est consacré à faire ressortir un ton rouge sur un fond noir. On devine trop facilement que la jeune fille, — de grandeur presque naturelle, — n’est là que comme un prétexte. le but, le vrai but, le but poursuivi et atteint est un morceau d’étoffe d’une force de coloris extraordinairement harmonieuse ; mais on dirait que le visage a été peint par une autre main. Ce n’est plus la même facture : au lieu de la fermeté et de la vigueur qui distinguent les accessoires, on ne retrouve plus que de l’indécision, de la mollesse ; en un mot, c’est lâché. Souvent et pour bien des artistes, nous avons combattu la manie funeste qui les entraîne à augmenter sans motif les dimensions de leurs tableaux et à croire que les personnages agrandis constituaient la grande peinture ; l’exemple de M. Paul Delaroche aurait cependant dû apprendre aux moins clairvoyans combien cette habitude est dangereuse. J’ai peur que M. Bischoff n’y cède aussi ; il ne ferait qu’amoindrir des qualités éminentes et compromettre un avenir qui peut être glorieux. En art ; il faut savoir se concentrer et craindre d’éparpiller