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portrait, cela est évident, et, sans les connaître, on peut, en voyant la diversité de leur attitude et de leur visage, affirmer qu’ils sont ressemblans. La scène est fort simple, car elle ne dépasse pas le titre qui la résume, La facture de cette toile est excellente, un peu plate dans le modelé, mais très suffisante néanmoins pour faire valoir les différens types qu’elle devait rendre. Il n’y a là ni petits moyens ni stérile besoin de causer de l’étonnement, c’est franc et sincère. Au milieu de l’exposition anglaise, ce tableau ressemble à un homme bien portant placé seul dans un groupe de malades. En revanche, les Anglais gardent d’une façon incontestable leur vieille supériorité dans l’aquarelle. Le Page impertinent de M. Catermole, le Portrait du prince Albert, le joueur de pibrock William Ross, de M. Kennet Mac-Leay, la Vallée de la désolation de M. David Mac-Kewan, sont des œuvres exceptionnelles ! On pourrait en dire autant de la Famille d’Arabes errans de M. Carl Haghe, si la nature avait été étudiée de plus près, et si la fantaisie ne l’emportait de beaucoup trop sur la réalité ; mais il faut reconnaître que toutes ces aquarelles sont traitées avec une solidité rare et une habileté extraordinaire. Pour leur donner plus de vigueur, les Anglais ne reculent pas devant l’emploi de la gouache, qui, je crois, devrait être sévèrement exclue de ce genre de peinture. Si la gouache permet de revenir sur les tons, de les modifier après qu’ils ont été obtenus une première fois et d’en tirer un grand parti pour la coloration, elle a l’inconvénient de les alourdir et d’enlever à l’aquarelle cette transparence, cette légèreté qu’il faut toujours rechercher dans ce genre de peinture. Malgré ce procédé douteux, sur lequel nous devions insister, car il nous paraît dangereux, les Anglais restent les maîtres de l’aquarelle ; en France, je ne vois guère que MM. Français, Baron et Harpignies qui pourraient approcher d’eux sous ce rapport.

Si l’école anglaise, affranchie de toute tradition, s’est enfermée volontairement dans de mesquines habitudes et semble avant tout tenir à honneur de ne reproduire que des types britanniques, nous trouverons dans l’école belge une école humaine, très intelligente, suivant avec respect la tradition que ses maîtres lui ont léguée, et qu’elle élargit tous les jours. Imperturbablement attachée aux glorieuses légendes de son histoire, elle aime à représenter les hauts faits qui ont affranchi la Belgique, la résistance des communes, les actes de dévouement de ces bourgeois, de ces gueux qui devaient ébranler et singulièrement amoindrir le prestige d’une grande monarchie. Ses peintres les meilleurs, j’entends ceux qui ne sacrifient pas à la mode et, ne recherchent pas des succès de boudoirs, sont restés fidèles à cette bonne coutume ; ils croient avec raison que l’art ne doit pas seulement se contenter de réjouir les yeux, mais