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soin de faire parvenir aussi régulièrement que possible à sa cour des renseignemens sobres, mais précis, sur tous les sujets qui lui paraissaient devoir intéresser la politique de l’Angleterre. En ces derniers temps, surtout depuis que l’armée française, expédiée du nord de l’Italie, s’était mise en mouvement sous les ordres, du prince Joseph pour aller, à travers les états romains, conquérir le royaume de Naples, M. Jackson avait redoublé de vigilance. Attentif à remplir ponctuellement ce qu’il considérait comme son devoir, il avait multiplié ses moyens d’informations. Un corps de troupes ne faisait point étape dans les possessions du saint-siège qu’il n’essayât d’en connaître la composition, la force et la destination, et ne transmît à ce sujet les renseignemens les plus détaillés tant à Londres qu’en Sicile[1]. Peut-être quelques-unes des dépêches de M. Jackson avaient-elles été interceptées par la police impériale. En tout cas, Consalvi était trop perspicace pour ne pas avoir deviné que la surveillance exercée sur les allées et venues de l’armée française par un pareil témoin, si capable de tout connaître et si appliqué à rendre compte de tout à son gouvernement, devait être la cause première des éclats de colère qu’excitait chez l’empereur la présence de M. Jackson à Rome. Le cardinal était donc flatté que la violente irritation de Napoléon s’apaiserait un peu d’elle-même, et que toute chance de réconciliation ne serait pas encore perdue, si, donnant une entière satisfaction au principal de ses griefs, il obtenait en temps opportun et à l’amiable l’éloignement volontaire de l’envoyé britannique.

Les momens étaient précieux, et déjà il n’y avait plus de temps à perdre, car l’orage était imminent. Dans la seconde quinzaine de février, c’est-à-dire à une époque où les dernières lettres de l’empereur au saint-père et au cardinal Fesch n’étaient pas encore arrivées à destination, avant donc que les menaçantes sommations qu’elles contenaient n’eussent été l’objet d’aucune discussion officielle entre la secrétairerie d’état et l’ambassade française, Consalvi fit prier M. Jackson de vouloir bien passer chez lui. L’accueil du cardinal secrétaire d’état, toujours si aimable avec tout le monde et particulièrement avec les étrangers, fut particulièrement empressé et gracieux. En cette occasion plus encore qu’à l’ordinaire, il parut se complaire à témoigner à son interlocuteur, par ses attentions délicates et par les complimens les plus flatteurs, le cas qu’il faisait de sa personne. En peu de mots, le cardinal mit M. Jackson au courant des difficultés qui s’étaient élevées entre le Vatican et le gouvernement français. Il assura le diplomate anglais que le

  1. Dépêches de M. Jackson des mois de janvier et février 1806. — Foreign-office.