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saint-père était décidé à résister publiquement à des exigences dont l’injustice était évidente ; là-dessus la résolution de Pie VII était formellement arrêtée. A aucun prix, il ne consentirait à épouser les querelles de Napoléon et à rompre ses relations avec des puissances amies par la seule raison qu’elles étaient en guerre, avec le chef de l’empire français. Du même ton et avec la même ouverture, Consalvi ne cacha point à M. Jackson que sa personne se trouvait incidemment mêlée à ce grave débat. Le gouvernement français réclamait son éloignement, et la veille même le cardinal Fesch lui avait déclaré que l’envoyé britannique auprès du roi de Sardaigne devait quitter Rome, ou qu’il serait obligé de présenter, à ce sujet une note officielle[1]. Le secrétaire d’état de sa sainteté n’alla pas plus loin, et se garda bien de rien insinuer à son interlocuteur sur le parti qu’il avait à prendre. M. Jackson avait toutefois compris. Sans hasarder aucune représentation, sans laisser percer aucun signe d’irritation ou de mauvaise humeur, il se hâta d’assurer Consalvi qu’il était bien loin de vouloir compromettre en rien la sûreté du gouvernement papal. Il demandait seulement le temps nécessaire pour faire ses préparatifs de départ, et pour recevoir, en temps utile et ayant de se mettre en route des passeports réguliers. Le cardinal secrétaire d’état et l’agent britannique se séparèrent satisfaits ; l’un de l’autre, avec promesse de se revoir bientôt[2].

À cette seconde entrevue, Consalvi aborda M. Jackson avec les marques d’une véritable douleur. Il lui apprit que l’affaire, prenait une tournure de plus en plus désagréable. Le cardinal Fesch, s’était absolument refusé à accepter les délais demandés. Il venait, disait-il, de recevoir une dépêche signée de la propre main de l’empereur qui lui ordonnait de requérir l’arrestation immédiate de M. Jackson, s’il était encore à Rome, et lui prescrivait, en cas de refus de la part du gouvernement pontifical et sous sa propre responsabilité, de faire procéder lui-même à cette arrestation par un corps de troupes françaises. L’oncle de Napoléon avait semblé très ému d’une pareille commission, mais plus effrayé, encore à l’idée de ne l’exécuter point, il n’entrevoyait d’autre manière d’arranger les choses que de supposer M. Jackson déjà parti, mais il fallait qu’il se hâtât ; il avait ajouté qu’en tout cas il serait nécessaire d’antidater ses passeports. M. Jackson n’éleva point d’objections. Après avoir remarqué combien les exigences de l’empereur étaient contraires à tous les principes du droit des gens, ce que le secrétaire d’état n’avait nulle envie de contester, il offrit derechef de partir,

  1. Mr Jackson to Mr Fox, secretary of the foreign-office. Trieste, 16 mars 1806.
  2. Ibid.