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dans sa conversation animé exactement des mêmes dispositions que son ministre. Aucune illusion ne lui semblait plus possible. Le refus qu’il croyait de son devoir d’opposer aux exigences françaises et la ligne de conduite qu’il se proposait de suivre ne pouvaient manquer d’attirer prochainement de grandes calamités sur l’église romaine ; il les prévoyait, et d’avance il les acceptait. Presque au sortir de cette audience, M. Jackson se rendait déguisé sur les côtes de l’Adriatique ; Ancône étant occupée par nos troupes, il avait dû se diriger un peu plus au midi. Il lui était ainsi arrivé de faire route plus d’une fois avec des corps détachés de l’armée française qui, s’ils l’avaient reconnu, l’auraient sans doute retenu prisonnier ; dans la seconde semaine de mars, il était enfin parvenu à s’embarquer pour Trieste. De cette dernière ville, rendant compte à M. Fox des derniers instans de son séjour à Rome, M. Jackson n’hésite pas à reconnaître la convenance de l’attitude pleine de modération et de dignité que le souverain pontife a gardée vis-à-vis de l’empereur des Français ; il ne se loue pas moins de la façon parfaitement loyale et courtoise dont le saint-père et son secrétaire d’état ont agi à son égard.

Si la raison avait eu quelque part à la direction imprimée alors à la politique française à Rome, il semble que l’éloignement volontaire de M. Jackson aurait dû apporter un véritable apaisement dans les relations devenues à cette époque si tendues entre Napoléon Ier et Pie VII. La présence en Italie de ce zélé serviteur des intérêts britanniques, dont la correspondance diplomatique pouvait, par l’exactitude et la puissance des informations, gêner ses combinaisons militaires, avait été, nous l’avons dit, la première cause de l’irritation du chef de l’empire français ; c’était surtout pour s’en débarrasser que l’empereur avait, au début, exigé le renvoi de tous les sujets des puissances avec lesquelles il était en guerre. Après la démarche de Consalvi, M. Jackson ayant pris le parti de quitter lui-même la place, le différend auquel il avait donné lieu aurait dû tomber presque de lui-même. Il n’en fut rien cependant, et la suite de ce récit ne fera que trop voir à quel point les dispositions personnelles de l’empereur rendaient d’avance inutiles les sages concessions du saint-siège.


D’HAUSSONVILLE.