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I

C’est une vérité presque banale en théorie, bien souvent méconnue dans la pratique, qu’il y a un intime lien entre la politique intérieure et la politique extérieure d’un pays. C’est surtout une vérité dans les pays faits pour l’action et par l’action comme la France, dans les pays où les idées générales jouent un grand rôle. On pourrait dire que chaque système de gouvernement intérieur, absolutisme ou libéralisme, a des conséquences différentes dans la politique extérieure, dans le choix des alliances. Chaque système suit la logique de son principe. Dans ce travail où s’agitent et s’enchevêtrent les destinées des peuples, ces mots de libéralisme et d’absolutisme semblent nouveaux sans doute, les noms changent souvent ; les questions se transforment et se multiplient à l’infini ; les passions, les intérêts, l’égoïsme, les ambitions des hommes sont incessamment à l’œuvre, brouillant tout, faisant des affaires humaines un drame plein d’inconséquences et de péripéties. Au fond, les mots sont plus nouveaux et plus changeans que l’essence même des choses. Ce que sont aujourd’hui tous ces problèmes de nationalité et d’indépendance, les problèmes religieux l’étaient au XVIe siècle. Le nom a changé, la situation est la même.

Et alors aussi nos guerres de religion n’étaient pas seulement une question française, elles étaient une question européenne ; elles intéressaient la grandeur de la France en la mettant dans la nécessité de faire un choix entre des directions opposées de politique extérieure, entre des alliances différentes. Alors enfin, à travers toutes les confusions et dans le feu même de nos guerres, apparaît distinctement cette vérité dont bien des événemens ont fait éclater la puissance depuis trois siècles. Toutes les fois que les idées de réaction religieuse ou politique s’emparent de nos gouvernemens, elles faussent le rôle de la France en Europe ; toutes les fois qu’une idée libérale reparaît et a un commencement de victoire, la politique française semble reprendre son aisance et ses allures naturelles ; elle se remet dans son chemin, non sans rencontrer, il est vrai, de tout-puissans ennemis, mais en retrouvant du même coup ses armes, sa force efficace et son drapeau dans le combat.

C’est en plein XVIe siècle en effet, c’est au plus fort de cette crise de transformation universelle, que se dégage l’idée d’asseoir la grandeur française, au dedans sur la paix par la liberté de conscience, au dehors sur l’indépendance des peuples, conquise au besoin par la guerre, garantie par une organisation plus équitable de l’Europe, et c’est là justement ce qui devient le premier lien