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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


ses sources, ainsi les fils sont inséparables du père, et les disciples du maître. Ce que je vous dis là n’est pas un vain rappel à votre attachement pour ma personne, mais, comme j’ai à vous entretenir de choses graves, il faut que nul ici ne soit troublé ni ne trouble, et qu’aucune interruption ne s’élève pendant que je parle. L’obéissance des disciples pour le maître, l’affection des fils pour le père doivent apparaître en vous tout entières. — Ô mes fils, ornez-moi de vos vertus, placez sur mon front la couronne de votre obéissance, faites que tous me jugent heureux de posséder un tel troupeau, et glorifiez mon enseignement par votre soumission, selon le précepte de l’apôtre qui nous dit : « Soyez soumis à vos chefs, car ils veillent pour vous et rendront compte un jour de vos âmes. »

« Je vous devais cet avertissement de peur qu’aucun de vous ne se révoltât contre une réprimande que je veux vous adresser. Je suis père et dois conseil à mes enfans : ce devoir que la nature met au cœur du père naturel, la grâce de l’Esprit-Saint l’a mis au mien. Oh ! oui je suis père, et père tellement tremblant pour ses fils, que je suis prêt à répandre ici-même mon sang pour vous ; mais vous, n’en feriez-vous pas autant pour moi ? Nos liens sont communs, nos devoirs les mêmes, et je pourrais écrire de vous ce que disait saint Paul de ses disciples chéris : « Saluez de ma part Priscilla et Aquila, mes compagnons et auxiliaires dans le Christ, eux qui ont offert pour moi tête pour tête. »

Non, point de séparation entre les frères ; c’est ainsi que la ville est forte et la citadelle inexpugnable. Le loup dévorant, le diable, n’attaque point des cœurs unis, et un rempart de charité vaut mieux pour notre défense qu’un rempart de diamant. Je mets en avant ces vérités comme une préface à mon discours, afin que vous ne soyez ni surpris ni troublés de ce que je vais vous dire, et je vous parlerai en effet d’une chose digne d’être exposée dans une église et digne d’y être écoutée : c’est de la paix que je vous parlerai. Rien ne convient mieux à un prêtre de Dieu que de parler de paix à son peuple, et plus le sujet de l’ambassade est saint, plus l’ambassadeur a besoin de se savoir écouté.

« La paix ! c’est pour l’apporter aux hommes que le fils de Dieu est descendu en ce monde et a pacifié par son sang non-seulement les choses d’ici bas, mais celles d’en haut, afin qu’il n’y eût plus guerre désormais entre la terre et le ciel. C’est pour la paix que le fils de Dieu a souffert, qu’il a été crucifié et enseveli, et il nous l’a laissée en héritage comme un mur de défense à l’église, un bouclier contre l’enfer, un glaive contre les démons, un port tranquille pour les cœurs fidèles, une repropitiation de nos âmes vers Dieu et une absolution de nos fautes. Oui, c’est pour cette paix sainte, ce don sacré, que je suis envoyé vers vous en ambassade. Ne me rejetez