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africain. A droite, sur la rive d’Arabie, s’étend une plaine ondulée ; partout règne le désert sans eau et sans végétation. La plaine se continue au nord par un mince ruban qui limite l’horizon. Au-dessus de cette ligne, la petite ville de Suez découpe sur le ciel le profil de ses terrasses ; mais le navire n’arrive pas jusque-là, et, s’arrêtant à une grande distance, il jette l’ancre au milieu d’une flottille de vapeurs, à plus de 4 kilomètres du fond du golfe, dont l’approche est défendue par des bancs de sable. Les embarcations, les vapeurs de faible tirant d’eau peuvent seuls, en s’engageant dans un étroit chenal qui traverse ces bancs en ligne courbe, mener voyageurs et marchandises jusqu’à Suez. L’existence de ce chenal est d’autant plus singulière qu’il ne correspond à aucune rivière, et vient, au-dessous de Suez, se perdre dans les lagunes. A marée basse, ces bancs, se découvrent ou affleurent à la surface de la mer ; c’est ainsi du moins qu’ils nous apparaissaient il y a quatre ans, lors d’un premier séjour que nous fîmes à Suez. Aujourd’hui des terre-pleins, des jetées, des constructions sorties comme par enchantement du fond de la mer, couvrent l’accore des bancs. Ce sont d’abord les travaux entrepris pour le compte du vice-roi d’Égypte par l’industrie française : un magnifique bassin de radoub déjà livré, les fondations d’un port qui se construit à côté, vis-à-vis du mouillage ; à droite enfin, sur les deux bords du chenal, les premiers travaux du canal maritime. De longues jetées en pierre, fondées sur les bancs, limitent le tracé du canal à ce point extrême de son parcours et le conduisent jusqu’aux grands fonds du mouillage. Pendant que ces jetées se construisent, un matériel de dragues à vapeur commence à creuser progressivement le chenal jusqu’à la profondeur de 9 mètres, suffisante aux plus grands navires. La petite flottille destinée à accomplir ce travail, arrivée récemment à Suez, se compose de quatre dragues et de neufs porteurs à hélice (navires destinés à charger les déblais enlevés par les dragues et à les déverser au large). La drague est un engin bien connu ; tout le monde a pu voir dans nos ports, sur nos fleuves, sur la Seine à Paris, ces machines munies d’un chapelet de godets formant chaîne sans fin, et allant, dans un mouvement incessant, puiser au fond de l’eau la vase et le sable qu’ils rejettent dans un bateau disposé à côté. La drague est mouillée sur plusieurs ancres qui la maintiennent immobile ; en manœuvrant les chaînes de ces ancres, le conducteur de la machine la fait marcher progressivement au-dessus du fond qu’elle doit creuser. Tel est l’engin destiné à jouer le principal rôle dans les travaux du canal maritime. Le type reste absolument le même ; les dimensions seules, la force, la hauteur et quelques dispositions de détail peuvent varier. Quant au porteur, il faut se figurer un navire en fer dont les fonds sont ouverts, mais