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que font flotter des caisses étanches pleines d’air, garnissant les parois et les extrémités du bateau. Une machine à vapeur disposée à l’arrière donne le mouvement au propulseur. Des portes en fer, pratiquées dans les fonds du navire et manœuvrées par des chaînes, s’ouvrent pour laisser tomber les déblais lorsqu’on est arrivé sur le lieu de décharge. les porteurs en fonction sur le canal de Suez prennent un chargement de 200 mètres cubes.

Suez est une affreuse petite ville arabe, aux rues tortueuses constamment encombrées, principalement à certaines époques de l’année, par une population de passage : ce sont les pèlerins de La Mecque, venus de divers points du bassin de la Méditerranée, voire des côtes occidentales de l’Afrique, et qui campent sur les places, dans les rues, sur la plaine environnante, en attendant le départ des vapeurs qui, sous pavillon égyptien, les transporteront par voie de mer à Djeddah. La variété des types et des costumes fait de ces rassemblemens un spectacle assez étrange. Toutefois, lassé bientôt de ce bruit et de cette foule incommode, le promeneur revient sur la ligne du quai, où il retrouve un autre genre d’animation. La voie ferrée qui va de Suez à Alexandrie s’ouvre au débarcadère du port, et c’est là que se chargent les nombreux ballots expédiés des places commerciales de Chine et de l’Inde, lesquelles, malgré le prix élevé de ce transit en chemin de fer[1], ne laissent pas que d’employer cette voie.

En sortant de la ville, et laissant à sa gauche les beaux ateliers de la compagnie des Messageries impériales, on arrive, en contournant les lagunes sur un kilomètre environ, au pied d’une éminence où l’on voit avec étonnement les mâtures et les longues vergues des embarcations égyptiennes se détachant sur le ciel ; c’est là, derrière une écluse, que vient aboutir, à 2 mètres au-dessus du niveau des plus hautes marées, le canal d’eau douce. Ce canal est, on le sait, l’une des créations de la compagnie ; en attendant que la route soit frayée à un premier chenal maritime entre le lac Timsah et Suez, c’est la voie que suivent déjà les marchandises, le matériel, les voyageurs. Nous voilà donc amenés à faire l’historique de ce premier travail, que l’année 1863 a vu achever.

Avant de conduire au fond du désert les nombreux contingens d’ouvriers qui devaient être employés au percement de l’isthme, il fallait assurer le service de ravitaillement nécessaire à cette population. L’eau surtout manquait absolument. Pour les premiers campemens, la machine distillatoire de Port-Saïd, des barques venant

  1. Le prix du transit des marchandises entre Alexandrie et Suez varie de 70 à 200 fr. la tonne, en raison de la nature des marchandises. Il faut ajouter néanmoins que les grandes compagnies ont des traités par lesquels elles ne paient que la moitié de ces tarifs élevés.