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courage, rare chez lui, de la reconnaître publiquement, et cela devant Consalvi lui-même ; mais en 1811 il n’était plus temps de la réparer. La série précipitée des mesures acerbes qui avait alors confiné le saint-père à Savone avait fatalement amené une situation dont Napoléon lui-même n’était plus entièrement le maître. Dans les circonstances où il lui aurait été profitable d’être circonspect et modéré, il n’avait pas su l’être. Resté encore tout-puissant pendant de longues années, mais de plus en plus lancé dans de téméraires et périlleuses entreprises, le chef de l’empire français ne devait plus rencontrer cette heureuse coïncidence des événemens où, sans se diminuer en rien, il aurait dépendu de lui de transiger honorablement avec le chef de l’église romaine. Les occasions ainsi perdues ne se retrouvent jamais. En 1806, l’empereur ne songea pas un instant à saisir celle qui lui était si heureusement et si généreusement offerte. Il en fut pour lui de la démission volontaire du cardinal Consalvi comme il en avait été de l’éloignement spontané de M. Jakson. Il ne daigna même pas s’en apercevoir. Ce sera notre triste tâche d’avoir à raconter comment, par suite des violences redoublées de l’empereur et malgré l’inaltérable douceur de Pie VII, les choses en vinrent bientôt entre eux à toute extrémité. Cependant, avant de montrer Napoléon s’emparant de la ville de Rome par surprise et mettant inopinément sa main hardie sur le chef inoffensif de la catholicité, les nécessités de notre sujet veulent que nous repassions pour un moment de ce côté des Alpes. Nous aurions négligé, un des plus curieux sujets de réflexion, que ce récit puisse offrir à l’attention de nos lecteurs, si nous ne leur montrions d’abord de quelle façon le souverain qui se préparait à faire intervenir la force brutale dans ses débats avec le saint-père comprenait à la même époque son rôle de protecteur de la religion en France, et la nature de ses relations avec le clergé et les catholiques de son empire. Ce sera l’objet de notre prochaine étude.


D’HAUSSONVILLE.