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c’est assez nous occuper de Spinoza lui-même : il est temps de passer à ses successeurs et à ses disciples. Ici nous changerons de guide, et de M. Van Vloten nous passons à M. Van der Linde.


II. — LA THEOLOGIE SPINOSISTE AU XVIIe SIECLE.

On n’en était pas à apprendre que Spinoza avait eu des disciples et des amis, et qu’il avait formé en Hollande même une petite secte ou école d’une certaine importance. On connaissait les noms de ces petits spinozistes, — Louis Meyer, Bredenbourg, Abraham Kufeler et dans une certaine mesure Tschirnaus. Ce qui paraît avoir été assez ignoré jusqu’à la publication de l’ouvrage de M. Van der Linde[1], c’est l’influence immédiate de Spinoza, non plus sur la philosophie, mais sur la théologie, non pas dans les chaires de l’école, mais dans les chaires de l’église, pendant la fin du XVIIe siècle et la première moitié du XVIIIe. M. Van der Linde nous apprend qu’il y a eu en Hollande un christianisme spinoziste comme de nos jours un christianisme hégélien, que le spinozisme, en se mariant avec certains dogmes de la religion réformée, a produit une petite secte persécutée et persistante, tantôt rationaliste, tantôt mystique, d’une médiocre originalité, mais qui n’en est pas moins un phénomène intéressant et un instructif épisode de l’histoire philosophique et religieuse de la Hollande. La nature toute théologique de cette école, l’ignorance assez générale où l’on est de la langue hollandaise, expliquent assez qu’il ait rarement été fait mention de cette petite église, et nous devons savoir gré à M. Van der Linde de nous avoir fait connaître non-seulement les noms et la biographie des principaux promoteurs et adeptes de cette secte, mais encore, par de nombreux extraits, les plus importantes de leurs idées. Nous les voyons faisant pénétrer le spinozisme dans la vie populaire, phénomène presque incompréhensible, si l’on persistait à ne voir dans l’Éthique qu’une théorie abstraite et toute spéculative, au lieu de ce qu’elle est en réalité, une morale, un traité du souverain bien.

Pour nous orienter dans ces débats, résumons en quelques mots l’histoire de la théologie hollandaise au XVIIe siècle. En 1603, Arminius, professeur à l’université de Leyde, fonda l’arminianisme, doctrine qui inclinait au pélagianisme, c’est-à-dire à une certaine réhabilitation du libre arbitre, et combattait la doctrine exagérée du péché originel. Son adversaire, Gomar, également professeur à Leyde, défend contre lui l’interprétation calviniste et orthodoxe ;

  1. Pas tout à fait aussi ignoré cependant que le pense l’auteur. Dans l’Examen du fatalisme de l’abbé Pluquet, ouvrage estimé au XVIIIe siècle et encore assez bon aujourd’hui je trouve mentionnés comme spinozistes les noms de Leenhof et de Hatten.