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ses disciples sont appelés gomaristes ou sapra-lapsaires (partisans excessifs de la doctrine de la chute). Les arminiens, ayant adressé en 1610 aux états de Hollande des remontrances où ils exposaient leurs doctrines, furent appelés les remontrans, d’où les gomaristes prirent le nom de contre-remontrans. L’arminianisme fut momentanément étouffé en 1618 par le synode de Dordrecht, où dominait le parti gomariste, associé en politique au parti orangiste, tandis que les arminiens marchaient d’accord avec le parti républicain. Plus tard, les mêmes querelles reparurent sous d’autres noms au moment de l’orage suscité par la philosophie de Descartes. Voet, professeur à Leyde, protesta avec violence contre cette philosophie ; il appartenait lui-même au parti gomariste et supra-lapsaire, qui prit alors le nom de voetien. En opposition à Voet, un autre professeur de Leyde, Coccéius se déclara pour la philosophie de Descartes, et en général pour une interprétation plus large et plus libre de l’Écriture ; le coccéianisme était donc, pour le temps, une sorte de rationalisme. Quant à la secte dont nous allons parler, elle se rattachait aux coccéiens par la liberté de sa pensée, tandis que par la doctrine du libre arbitre elle eût volontiers marché d’accord avec les prédestinations les plus radicaux.

Le premier représentant de ce spinozisme théologique est Friedrich van Leenhof, né à Middelbourg en 1647 et ministre réformé à Zwolle en 1681. Il avait défendu le coccéianisme en quelques écrits polémiques et exégétiques contre la théologie orthodoxe ; mais ce furent d’autres tempêtes, lorsqu’en 1703 il publia son principal ouvrage, intitulé « le ciel sur la terre, ou description brève et claire de la véritable joie, aussi conforme à la raison qu’à la sainte Écriture[1]. » Les théologiens des deux partis (arminien et gomarien) s’entendirent pour reconnaître un spinozisme coupable dans cette théorie de la « vraie joie » dont parlait Leenhof, et qui n’était autre chose, suivant eux, que la soumission apathique à un aveugle destin. De là une grande controverse[2], à la suite de laquelle fut prononcée la suspension et même l’exclusion de Leenhof en 1708 ; Néanmoins il continua de prêcher jusqu’en 1710, époque où il prit lui-même sa retraite. Il mourut en 1712.

Il est facile, dans les différens extraits que M. Van der Linde nous donne du livre de Leenhof, de reconnaître les principes et les expressions mêmes de Spinoza. Pour lui, la sagesse est la

  1. Den Hemel op Aarden, etc. Je dois la traduction des passages hollandais cités par M. Van der Linde à l’obligeance de M. Charles Thurot, maître de conférences à l’École normale.
  2. Il est inutile de mentionner tous les ouvrages publiés à cette occasion ; on en trouvera l’indication dans le livre de M. Van der Linde.