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religieuse, avec une grande fierté de langage, un noble sentiment de la liberté de pensée, ceux-ci, dis-je, nous mettent en demeure de nous prononcer sur la question du surnaturel. On nous dit que, si nous admettons la personnalité de Dieu, sa liberté, nous ne devons pas nous contenter d’une providence générale et vague n’agissant que par des lois universelles : nous devons accorder l’intervention immédiate, particulière de Dieu dans la nature, que, les lois de celles-ci étant contingentes et Dieu étant libre, la suspension de telles lois n’implique pas de contradiction. On nous enferme enfin dans ce dilemme : « croyez aux miracles, ou soyez athées. » Soit, admettons le premier terme de ce dilemme ; nous ne sommes pas encore au bout. On nous dit bien que l’on peut, dans le christianisme, se borner à l’essentiel, aux dogmes fondamentaux ; mais la logique catholique a depuis longtemps fait justice de cette distinction arbitraire entre les dogmes fondamentaux et les dogmes accessoires, et d’ailleurs, une telle distinction fût-elle fondée, qui fera le partage ? Qui décidera quels sont les dogmes essentiels et ceux qui ne le sont pas ? Et ces dogmes essentiels eux-mêmes, qui en donnera l’interprétation, qui fixera le point de foi ? Qui tranchera la question entre Arius et Athanase ? Il faut un critérium, et, s’il est une chose démontrée par la logique, c’est que le protestantisme n’en a pas. Échappons donc à la liberté individuelle, c’est-à-dire à la fantaisie, allons où nous porte le principe d’autorité ; nous voilà dans le catholicisme. Ici nous avons encore affaire à deux sortes d’esprits, les uns modérés, sensés, pratiques, n’aimant pas le contentieux théologique et qui voudraient aussi qu’on se bornât à l’essentiel, les autres, conséquens, rigoureux, allant au fond des choses et à la dernière expression.

Les premiers voudraient qu’on se bornât à dire d’une manière générale que l’église est la dernière des autorités ; mais ce mot est vague. Qu’est-ce que l’église ? Sont-ce les conciles ? est-ce le pape ? Placez-vous l’autorité dans les conciles ? Voilà, disent les logiciens, une autorité tout intermittente, bien difficile à consulter, bien difficile à convoquer. Il faut une autorité permanente ; il n’y en a qu’une c’est le pape. Il faut donc croire à l’infaillibilité du pape, ou bien l’appel au concile ramènera bientôt l’appel au sens individuel ; le gallicanisme conduit au protestantisme, qui conduit au rationalisme, qui conduit au panthéisme, qui conduit à l’athéisme, etc. en bien ! suivons encore nos logiciens jusqu’où ils veulent nous entraîner. Soit, le pape est infaillible en matière de dogme, en matière de foi, il est la voie du salut ; mais en dehors de la foi et du dogme il y a un monde tout humain. Il semblerait que ce monde pourrait avoir ses lois, ses règles, ses intérêts, dont il jugerait par