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nente. À l’union militaire a succédé l’union douanière, puis l’entrée pour la décision des questions économiques, des représentans du sud dans les chambres du nord. Tout ceci a été bien rapide, bien provoquant pour les spectateurs. La France y prend garde, quoiqu’elle ait l’air de n’y point faire attention. Il reste maintenant à la Prusse à terminer la difficulté relative au Slesvig. Le cabinet de Berlin avait là une occasion de montrer quelque générosité, et de témoigner quelques égards à la politique française. Il ne s’en est point soucié. L’invitation qu’il adresse au Danemark de donner des garanties à la Prusse sur la condition des Allemands qui resteraient dans le Slesvig est incroyable. On dirait que M. de Bismark voudrait perpétuer dans la monarchie danoise des sujets de conflit qui fourniraient au besoin à la Prusse de constantes occasions d’intervenir, de dévorer le Danemark et d’absorber enfin ce noble petit pays, dans l’agglomération germanique. Le cabinet de Berlin vient de. donner un témoignage indirect de son attitude complaisante et docile envers la Russie. On assure que le sultan aurait montré le désir de faire une visite à Berlin avant de se rendre à Vienne. Le gouvernement prussien est trop ami de la cour de Russie pour rechercher les courtoisies de l’empereur de Turquie. Il n’y a aucune personne royale à Berlin ; il n’est donc pas possible d’être hospitalier pour les Turcs : la curiosité polie du sultan ne sera point satisfaite. Le souverain ottoman a reçu en France et reçoit maintenant en Angleterre un traitement plus courtois. Les Anglais sont remplis de prévenances pour Abdul-Aziz et le prince Ismaïl d’Égypte. Les intérêts britanniques en Orient excitent à Londres une sollicitude si éveillée que l’opinion publique s’est chargée elle-même de la réception du vice-roi d’Égypte. La Cité, qui comprend l’importance de l’Égypte pour le commerce et l’industrie de l’Angleterre, s’est indignée de la médiocrité des arrangemens que le cabinet avait pris pour la réception du prince égyptien. On lui louait des appartemens dans un hôtel. La presse anglaise a protesté contre ces lésineries avec une indignation extraordinaire. Lord Stanley a dû s’excuser de n’avoir point à sa disposition de palais royaux où le pacha pût être convenablement hébergé. Lord Dudley, un des plus riches seigneurs d’Angleterre, s’est chargé avec empressement de remplir envers Ismaïl-Pacha les devoirs de l’hospitalité nationale et lui a prêté son palais : on dirait un de ces splendides patriciens romains qui avaient pour cliens des rois d’Asie. Ismaïl-Pacha a eu les honneurs d’un banquet du lord-maire où assistaient le prince de Galles et le duc de Cambridge, où la chambre des communes, représentée par ses chefs les plus distingués, a eu pour orateur dans la série des santés M. Disraeli. Cet empressement du public anglais vers le souverain égyptien est un exemple singulier de popularité commerciale.

Il est bien permis d’ailleurs au monde politique de Londres de s’amuser des visites princières, d’assister aux revues et aux fêtes ; le monde,