après la fondation du royaume, mais en se confondant de plus en plus avec le pur brigandage. Sans rechercher toutes les causes qui lui ont conservé quelque vie, — il faudrait, pour cela, embrasser les trois péninsules de l’Europe méridionale, où il continue de prospérer, — je voudrais tâcher de déterminer quelles classes de la population contribuent principalement à le perpétuer. Les uns pensent que les Sarakatzanes et les Karagounis fournissent au brigandage un élément permanent, et peuvent être confondus tous ensemble avec la race nomade connue en ces contrées sous le nom de Valaques ; les autres regardent les Sarakatsanes comme une « population grecque, » sortie de Sakkaretzi dans le Valtos, ou de Syrako en Épire. Il est du moins certain que cette population parle le grec et mène une vie errante. Quant aux Karagounis (du turc kara, noire, et du grec gouna, capote de paysan) ou Albanovalaques (Ἀρβανιτόβλαχοι), ces deux noms semblent indiquer leur costume et leur origine. Comme ils se nomment eux-mêmes Roumains, on peut croire que l’élément latin domine parmi eux. Cependant ils parlent trois langues, le roumain, l’albanais et le grec. Bien différens des Roumains de l’Olympe et du Pinde[1], qui s’occupent avec succès de commerce et qui ne dédaignent nullement l’agriculture, les Albanovalaques, comme les bohémiens de Béranger, pensent que la « vie errante est chose enivrante. » Leurs stanis (de στάνη, bergerie), villages mobiles, ont des chefs héréditaires nommés tchélinggus. Un voyageur qui les a rencontrés en Acarnanie dit que c’est une « race de fer. » Tels je les ai vus dans diverses nomarchies (préfectures). Leurs femmes, infatigables travailleuses, ne veulent épouser que des hommes de leur race, et les cérémonies des noces nous rappellent d’une manière frappante les usages de la Valachie, de la Moldavie, de la Sardaigne, usages venus peut-être des Romains. Le paysan acarnane les regarde comme une nation maudite, composée d’excommuniés, et on a même affirmé qu’ils sont idolâtres. Il est vrai que ces pasteurs ont, comme tous les nomades, fort peu de respect pour la propriété, et leur esprit de ruse, l’union qui règne entre eux, leur énergie extraordinaire, les font redouter des cultivateurs hellènes. Sobres, robustes, agiles, s’ils pouvaient supporter la discipline militaire, ils deviendraient d’excellens soldats. Un gouvernement intelligent finira par tirer parti de ces heureuses dispositions, et si les Valaques voyageurs (Βλάχοι οδίται) dont parle le moine George Cédrénus, qui au Xe siècle erraient entre le Pinde et l’Olympe, ont pu devenir une des populations les plus laborieuses de la péninsule orientale, si les riches
- ↑ Koutzovalaques, Κουτσόβλαχοι, ou Valaques boiteux, parce qu’ils mêlent des mots grecs aux mots latins.