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des intérêts exigeans, des amours-propres blessés, des rancunes, des ambitions. Tout cela peut se combiner par coteries ou intrigues d’une manière embarrassante. Vous avez bon courage, c’est une chance pour la victoire. Comme d’autres, vous aimez le succès et le pouvoir ; mais ce que vous avez de plus qu’eux, c’est que vous ne craignez pas la peine : vous l’acceptez comme nécessaire, et même elle ne vous déplaît pas. » Il était ainsi pour moi un spectateur à distance, clairvoyant, judicieux, de sang-froid, et sa correspondance m’apportait tour à tour de sages inquiétudes ou d’affectueux encouragemens.

On se tromperait si, dans les travaux et les épreuves de la politique active, on se promettait beaucoup de vrais amis ; il ne faut pas même être trop difficile ni trop exigeant avec ceux sur qui l’on a raison de compter : ils ont leur situation propre, leurs intérêts, leurs perspectives, leurs goûts, leurs fantaisies. L’union intime et permanente des âmes et des destinées est une de ces joies et de ces forces supérieures qui n’appartiennent pas à la vie publique ; mais elle n’est point dépourvue de liens puissans, ni d’attachemens sincères, et celui-là serait injuste autant que malhabile qui ne saurait pas en sentir le prix et en recueillir les fruits.

Moins orageusement, mais aussi complètement pour lui que pour moi, la révolution de février 1848 vint mettre un terme à la vie publique de M. de Barante comme à la mienne ; il ne pensa pas que le régime nouveau pût avoir pour lui aucune situation qui lui convînt ; il se retira à Barante avec sa famille, mais sans renoncer à l’activité de sa pensée et au service moral de son pays ; il reprit son rôle d’historien et de spectateur politique. C’est de cette époque que datent quelques-uns de ses plus importans travaux : dans l’une et l’autre de ces deux carrières : dans la première, ses Histoires de la convention nationale et du directoire exécutif, sa Vie politique de M. Royer-Collard et les nombreux Essais biographiques qu’en 1858 et 1859 il a recueillis lui-même dans quatre volumes publiés sous ces deux titres : Études historiques et biographiques, Études littéraires et historiques. C’est à la politique proprement dite, tantôt à la politique de principes, tantôt à la politique de circonstance, qu’appartiennent ses Observations sur les déclarations des droits de l’homme et du citoyen, ses Réflexions sur les œuvres politiques de Jean-Jacques Rousseau et ses Questions constitutionnelles, essais publiés d’abord en 1849 et insérés plus tard dans les deux recueils que je viens de rappeler.

A ne considérer que les sujets et les titres, les travaux historiques de M. de Barante ont, dans le cercle où ils sont renfermés, l’histoire de France, un premier et frappant caractère, l’étendue et la