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Mac-Leod, lieutenant-gouverneur du Pendjab, venait, lors de mon séjour dans ce pays (juillet 1866), de soumettre le projet, appuyé par lui, au Vice-roi, alors à Simla. On attendait la décision, mais nul ne doutait qu’elle ne fût favorable. Les affaires du Turkestan d’une part, de l’Afghanistan de l’autre, concouraient à hâter la solution désirée, et il est probable que dans cinq ou six ans une voie ferrée s’étendant sans interruption de Calcutta à Peshawer pourra jeter en quelques jours de 10 à 40,000 hommes sur les points où l’on aurait besoin de secours. Une pareille amélioration sera surtout appréciée par les old Indians, qui se souviennent d’avoir vu, il y a vingt ans, un pareil trajet demander aux troupes de la compagnie deux grands mois et des fatigues souvent plus meurtrières que le feu de l’ennemi. L’armée anglo-indienne, forte, brave, sûre d’elle-même, bien approvisionnée et mobilisable au premier signe de danger, pourrait attendre avec confiance le choc redoutable dont elle serait menacée.


III

On aura sans doute remarqué que les publicistes qui ont évoqué la possibilité d’un conflit anglo-russe dans l’Asie centrale se sont tous renfermés dans l’hypothèse d’une agression de la Russie contre l’empire anglo-indien, et que nul n’a envisagé celle d’une invasion anglaise dans la Russie asiatique. C’est qu’en effet il est impossible d’imaginer un concours de circonstances tel qu’une entreprise de ce genre puisse devenir, je ne dirai pas urgente ou même habile, mais simplement justifiable aux yeux de la prudence la plus vulgaire. Satisfaite d’assurer dans l’Inde la magnifique position que lui a léguée la compagnie, l’Angleterre ne songe et sans doute ne songera jamais à courir des chances aléatoires. Les récriminations de certains journaux contre les empiétemens incessans de cette puissance dans les Indes sont tout à fait surannées. Loin d’accuser l’Angleterre d’attenter à la liberté des indigènes, on pourrait plutôt lui reprocher de s’arrêter, par des considérations principalement financières, dans une voie d’annexions également profitables à la civilisation générale et au bien-être du peuple hindou. Je n’ai fait que passer dans ce pays, mais j’ai pu voir comment quelques tyranneaux abjects, tels que le maharadja de Cachemir, le nawab de Bhawulpore et le guicowar de Baroda, traitaient le peuple le plus doux, le plus laborieux et le plus gouvernable de l’Orient. On dirait vraiment que la politique anglaise laisse subsister ces brigands au sein de son empire asiatique pour servir de leçon à ses