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aux Anglais, qui ont eu dans le Pendjab et le Radjpoutana à compter avec des obstacles d’une bien autre nature.

Toutefois, si cette annexion est, comme j’en suis convaincu, une mesure désirable plus encore dans l’intérêt des populations à englober qu’en vue de la sécurité des frontières de l’Inde, il y a une autre mesure d’une nécessité incontestable, d’une urgence réelle, à laquelle j’ai fait allusion : je veux parler du chemin de fer projeté de Lahore à Peshawer. Laissons dans l’ombre l’avantage commercial un peu contestable de ce projet ; pour en comprendre l’intérêt politique et stratégique, il suffit de jeter les yeux sur une carte générale de l’Inde. La question de célérité en matière de mouvemens stratégiques, si importante dans notre Europe, où, quand la guerre éclate, tant d’intérêts se coalisent pour en circonscrire le théâtre, a bien plus d’importance encore dans cet immense Indoustan, où une campagne un peu sérieuse exige pour les troupes un déplacement de trois et quatre cents lieues. Jusqu’ici, pour ne pas avoir inopinément à faire marcher d’Agram ou de Mhow à l’Indus une force de 7 ou 8,000 hommes durant les mois les plus insalubres de l’année, il a fallu masser derrière ce grand fleuve, du Hazara au Bunno, de nombreux régimens placés dans des conditions médiocrement rassurantes au point de vue hygiénique. Ces troupes, suffisantes en temps ordinaires, auraient besoin d’être promptement renforcées en cas de crise : c’est ce qui explique l’insistance avec laquelle l’opinion publique, dans tout l’ouest de l’Inde, a réclamé le prolongement jusqu’à Peshawer de la voie ferrée de Calcutta à Delhi, en construction de Delhi à Amritsir et livrée au public sur les 4 myriamètres qui séparent Amritsir de Lahore. Amritsir, malgré son humble titre de sous-préfecture, est une cité de 300,000 âmes, le premier centre de la fabrication des cachemires après Cachemir même. Quant à l’importance de Lahore, elle est toute politique : c’est la métropole du Pendjab, le centre administratif des western provinces, à quelques kilomètres du camp permanent de manœuvres appelé Mianmeer cantonnements.

Le prolongement de la ligne du nord vers Peshawer, d’une longueur de 276 milles, n’offrirait pas plus de difficultés que n’en a présenté la section déjà très avancée de Delhi à Amritsir : ce serait la même plaine rayée de nullahs (torrens à sec une partie de l’année, mais redoutables lors de la fonte des neiges de l’Himalaya) ; les ponts à jeter sur ces nullahs et sur l’Indus à Attok seraient les seuls travaux d’art un peu dispendieux de toute la ligne. Devant cette perspective d’avantages immédiats et de dépenses modérées, la population n’a pas hésité dans l’émission de ses vœux, non plus que l’administration dans son adhésion. M.