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meubles grossiers et incommodes dont le Chinois se sert habituellement. Il eût été intéressant de les comparer à ceux que fournit notre industrie à bon marché. Les meubles qu’on rencontre sont faits pour les Européens de Hong-kong, de Canton ou de Shanghaï. À un autre point de vue, il est regrettable qu’à côté des porcelaines de luxe on n’aperçoive aucun échantillon de ces briques blanches qui ont la réputation d’être plus dures et plus résistantes que les nôtres, et qui servent, avec quelques piliers de bois, à construire l’unique étage dont se compose ordinairement la demeure du Chinois. Les habitations plus élégantes et les sépultures des hauts fonctionnaires, avec leur couverture de tuiles jaunes vernissées, avec les groupes d’animaux fantastiques en porcelaine ou en faïence peinte qui ornent les angles et la toiture, avec les corniches et les saillies de briques de diverses couleurs, n’eussent pas été déplacées dans le parc du Champ de Mars, comme spécimen d’architecture exotique. Les objets mobiliers, tables, chaises, fauteuils, armoires en bois blanc verni ou en bambou, bien que fabriqués surtout à l’usage des Européens, les étoffes communes, les ustensiles de ménage en métal ou en bois, auraient donné plus d’intérêt à l’exposition chinoise. Bornons-nous à l’étudier telle qu’elle est.

Dans le parc du Champ de Mars, la Chine a élevé un théâtre, construction légère, au toit gracieusement relevé, avec des balcons extérieurs ou nos bois ont remplacé le bambou ; mais les jongleries et les tours de force qui font les frais du spectacle, tout appréciés qu’ils soient en Chine, sont loin de constituer le fond de l’art dramatique national. Le mandarin Pin-tchuen, dont j’ai parlé, durant son séjour à Paris, n’a visité que le Cirque : les écuyères bondissant à travers les cerceaux garnis de papier, pour retomber debout sur le dos d’un cheval au galop, lui inspirèrent un enthousiasme qu’il ne cherche pas à déguiser. C’est le seul point sur lequel sa vanité de Chinois et de mandarin ait bien voulu reconnaître la supériorité de l’Europe. il parle du Cirque avec éloge sans rien dire des autres théâtres, et ses compatriotes, s’ils s’en tiennent à son récit, demeureront convaincus que les concitoyens de Corneille et de Molière ne prennent de plaisir qu’aux exercices d’acrobates.

Le Chinois ne doit pas être victime d’une semblable injustice. Sa littérature dramatique est fort riche. Elle ne se renouvelle pas, il est vrai : l’esprit chinois n’invente plus, la plupart des drames qui se jouent aujourd’hui sont empruntés à l’ancien répertoire ; mais celui-ci est assez varié pour fournir à tous les besoins. Drames, comédies, farces bouffonnes, tout s’y trouve. On en a fait de vastes compilations qui se réimpriment et se vendent journellement. Le