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profession spéciale et ne demande aucune étude préalable. Peut être médecin qui veut, sans examen, sans diplôme, sans autorisation. Il est à Pékin tel individu qui s’intitule médecin, qui ordonne et administre des remèdes, et qui exerce en même temps toute autre industrie. Il est marchand, peintre, copiste, etc. Le Chinois, tout ignorant qu’il soit, n’a cependant guère confiance en un tel médecin et aime à se soigner lui-même. Il se drogue à tout propos avec les remèdes chauds ou froids contenus dans sa pharmacie portative, dont il se sépare rarement. Appelle-t-il le médecin, ii chicane sur le prix des visites ; en général, le métier n’est pas lucratif. Aussi les médecins, qui sont tous en même temps pharmaciens et vendent les médicamens qu’ils prescrivent, s’offrent-ils trop souvent comme auxiliaires au vice ou même au crime. Les rues de Pékin sont garnies d’affiches qui vantent tel ou tel aphrodisiaque fourni par tel ou tel médecin dont on préconise également l’habileté dans la pratique des avortemens.

Il y a pourtant dans la maison de l’empereur une sorte d’organisation du service médical. On y compte une vingtaine de médecins qui ont un rang dans le mandarinat de la deuxième à la dernière classe. Les deux premiers médecins à bouton bleu (2e classe du mandarinat) visitent seuls l’empereur malade, mais sans pouvoir jamais lui adresser la parole. Quelque indication leur est-elle nécessaire, c’est aux eunuques de service qu’ils la demandent. Du moins, s’il s’agit de l’empereur, peuvent-ils encore consulter sa physionomie et en tirer un diagnostic. Pour soigner l’impératrice ou l’une des femmes du harem, c’est une bien autre affaire. Le bras de la malade sort seul d’amples rideaux ; à peine est-il permis de tâter le pouls. Il y a eu pourtant des guérisons qui valurent au médecin, sans qu’il en fût complice probablement, des faveurs et des richesses. Ces médecins de l’empereur tiennent une sorte de cours où ils admettent des élèves. Qu’enseignent-ils ? Ni l’anatomie, ni la pathologie, ni la thérapeutique expérimentale : l’étudiant apprend par cœur quelque ancien livre, peut-être celui que nous voyons à l’exposition, et quand il sait le réciter et le transcrire, il est reçu aux examens et porte désormais le bouton doré, il est mandarin de la dernière classe ; mais il n’obtient aucun privilège spécial comme médecin. Il eût pu exercer la veille de son examen aussi librement qu’il le fera le lendemain et avec autant de sagesse. Le bouton doré inspire un peu plus de confiance au public, et permet de réclamer des honoraires plus élevés, si tant est que le client consente à les payer.

Je me suis étendu sur ce sujet parce qu’il me semble que les Européens, suppléant à l’ignorance générale, peuvent rendre à la