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II

L’exposition japonaise, infiniment plus complète et plus variée que l’exposition chinoise, se présente aussi sous de meilleurs auspices, puisque le gouvernement japonais l’a lui-même patronnée. Les armes et les instrumens de travail, les objets de luxe et les jouets d’enfans, les livres et les œuvres de la peinture, les plantes utiles et les minéraux, s’étalent dans ses vitrines. Aussi doit-on regretter que, par suite d’un retard dans les expéditions, la place réservée au Japon ait été trop parcimonieusement mesurée, et que les produits de ce pays ne soient pas groupés de façon à former un ensemble suivi. Ils ont débordé de l’étroite galerie où ils se mêlaient aux produits de la Chine et d’autres contrées, et ce défaut d’unité a nui quelque peu à cette curieuse et remarquable exhibition.

La plupart des objets mis sous nos yeux proviennent directement de producteurs indigènes dont les noms ont été remis au jury. Le gouvernement japonais a pris à sa charge les frais de transport, et l’ambassade qui accompagne à Paris le jeune frère du taïcoun a aussi pour mission d’étudier le spectacle que présente aujourd’hui le Champ de Mars. Le visiteur, habitué à considérer les îles japonaises comme réunies en un seul état, s’étonne de voir les diverses vitrines indiquer une double provenance, les domaines du prince de Satzouma concurremment avec les états du taïcoun de Yédo. Un troisième prince japonais, le prince d’Isen ou Fijen, doit même faire encore d’autres envois[1]. Pourquoi le Japon s’est-il empressé de s’associer à ce concours des peuples civilisés, tandis que la Chine se tenait à l’écart ? Et pourquoi les princes japonais, qui ont expédié des mêmes contrées des produits à peu près identiques, ont-ils voulu avoir à l’exposition chacun un étalage distinct ? C’est ce qu’il faut essayer d’expliquer.

Quand en 1858 les Européens réussirent à traiter avec le Japon, ils ne connaissaient de ce pays que ce que les missionnaires et les Hollandais en avaient raconté ; mais ni les Hollandais ni les missionnaires n’avaient pénétré dans l’intérieur. Peut-être aussi que, dominés les uns et les autres par des préoccupations également exclusives, ils n’avaient pas suffisamment étudié l’organisation politique et sociale du pays. On avait admis sur leurs témoignages que le gouvernement japonais, fortement centralisé, obéissait en tout

  1. Ces envois sont en effet arrivés ces jours-ci et forment un troisième étalage japonais, distinct des deux autres. Il s’y trouve de fort beaux produits, que nous regrettons de n’avoir pas connus plus tôt.