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la coutume. Informes d’abord, on les voit dans le cours des temps grandir, se raffiner, élargir les cadres de leurs services et y faire entrer des cliens plus nombreux. Chaque génération transmet ainsi à celle qui lui succède plus d’aisance et de jouissances ; la condition de l’homme s’élève en même temps que son génie s’exerce et s’affermit. Dans ces civilisations plus mûres, les servitudes d’industrie disparaissent, et la conciliation des intérêts arrive du moins à ce degré que des nations autrefois séparées par des tarifs implacables confondent à l’envi dans la même enceinte les fruits de leur activité.

Vue ainsi, l’exposition ne manquerait pas de grandeur ; elle en garde encore, quoique à un degré moindre, dans l’analyse des détails. Dans les tissus et les meubles, par exemple, quel fonds d’observations à recueillir ? Rien qui ne s’y lie, l’esprit de découverte, le luxe des états, le régime de la main-d’œuvre. En y touchant, on est certain de porter la main sur la partie la plus vivante du concours, sur les familles de produits les plus variées et les plus abondantes. Le quart des exposans, 12,000 sur 50,000, appartient à ces deux catégories. Tous les produits qui s’y rattachent sont compris, il est vrai, dans ce calcul, depuis l’article le plus commun jusqu’à l’article le plus riche. Pour les tissus, que de branches diverses et que de diversité encore dans les mêmes branches ! Naguère, quand on avait nommé la soie, le coton, la laine et le lin, la série entière était parcourue ; aujourd’hui on est à peine à mi-chemin, tant se multiplient par de hardis essais les élémens de fabrication empruntés au règne animal et végétal. Ce sont d’abord les poils de chèvre, d’alpaga et de cachemire, les premiers en ligne pour la souplesse et l’éclat, puis les jutes de l’Inde et les herbes de Chine, plus consistantes et plus rudes, enfin les fibres du chanvre de Manille, du palmier, de l’aloès et de l’abaca, appropriées à des conditionnemens particuliers. Encore, après ce dénombrement sommaire, reste-t-il à savoir comment ces matières se combinent et quel parti en tire l’art des mélanges, dont le champ s’est tant élargi. Aucun sujet ne réunit donc au même point l’abondance et l’originalité.


I

La soie et les soieries ont naturellement le pas ; le premier rang leur appartient dans l’art comme dans la tradition. Faut-il le dire ? un sentiment de tristesse pèse aujourd’hui sur cette partie de l’exposition ; ce n’est plus l’entrain, la confiance sans limites qui régnaient en 1855 et que justifiait l’aspect de véritables chefs-d’œuvre.