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Deux incidens ont jeté comme un deuil sur cette industrie : la maladie du ver à soie, les révolutions de la mode. Étrange fléau que cette maladie du ver ! Voici douze ans qu’elle a éclaté, et le voile qui la couvrait à ses débuts n’a fait que s’épaissir. Il y avait lieu de croire qu’il en serait de cette épidémie comme de toutes celles qui ont sévi sur d’autres cultures. Combien la liste en est longue déjà ! Ainsi nous avons vu la pomme de terre, s’affranchir par une cure naturelle de la pourriture qui en affectait les germes, la vigne délivrée par l’action du soufre des végétations parasites qui l’envahissaient, la peste du bétail elle-même reculer devant des mesures de défense prises à propos. Seule, la maladie du ver est restée ce qu’elle était, impénétrable dans ses causes, rebellé à tous les remèdes. Ni les missions officielles, ni les lumières des savans n’ont pourtant manqué à cette industrie en souffrance. A l’origine c’était M. Dumas, plus tard M. de Quatrefages, en dernier lieu c’est M. Pasteur, qui a étudié le mal au microscope pendant une saison. Bien des conseils ont été donnés, quelquefois contradictoires, bien des traitemens imaginés, toujours impuissans. On n’était pas même fixé sur l’objet à guérir. Y avait-il infection, et alors où en était le germe ? Ceux-ci le plaçaient dans la graine du ver, ceux-là dans la feuille du mûrier ; on citait des exemples à l’appui de l’une et l’autre opinion ; ce litige a duré longtemps. Enfin tout récemment un certain accord s’est établi : il n’y a infection, dit-on, ni dans la feuille ni dans la graine ; tout le mal provient d’une dégénérescence de la race, d’un abus de la domestication. Le seul remède est un retour à une plus grande rusticité, et il en est ainsi dans tous les fléaux qui s’attachent aux cultures ; la nature y réagit contre des raffinemens qui à la longue contrarient et violent ses lois. Dès lors il n’y aurait qu’un parti à prendre : fractionner les grandes éducations, multiplier les petites, former des chambrées de grainage avec des papillons de choix, et cela pour les vers étrangers également, puisqu’eux aussi dégénèrent à la seconde campagne. Voilà le dernier mot de la science ; peut-être sera-t-il aussi vain que le premier. En attendant, l’industrie de la soie est frappée de léthargie, doute d’elle-même, et sent que les produits qu’elle livre sont loin de valoir ceux qu’elle tirait d’espèces robustes, se reproduisant sans dégénérer.

Le catalogue de l’industrie des soies trahit ces découragemens ; il y a des vides parmi les éleveurs des Cévennes, où se récoltaient naguère les plus belles soies connues, et dont les vallons abritaient des magnaneries citées comme des modèles. A peine quelques vétérans sont-ils à leur poste, les Blanchon, les Champanhet ; le gros des éleveurs s’est dispersé devant l’orage ; ce pays, si riche il y a